C’est une petite comédie qui n’a l’air de rien et qui, noyée dans la masse des délires trash de l’écurie Apatow (à qui l’on doit notamment SuperGrave, avec le même Michael Cera, vu aussi dans Juno), pourrait bien passer bêtement inaperçue. Pourtant, sans révolutionner le cinéma ni même le genre auquel il appartient (la comédie pour ados), le nouveau film de Peter Sollett séduit instantanément par sa spontanéité et son énergie : il y avait bien longtemps que l’on n’avait vu, dans une comédie mainstream, des adolescents ressemblant autant à des adolescents. À l’antipode du glamour outré d’une série comme l’excellente Gossip Girl, Une nuit à New York joue la carte du minimalisme indé en axant son propos sur un autre univers qui, par essence, définit la jeunesse : le rock.
Nick (Michael Cera, merveilleux) est un ado lambda passionné de musique, membre d’un petit groupe de rock. Plombé par une rupture difficile avec la bimbo du lycée, il se laisse convaincre par ses potes de jouer un soir dans une petite salle de Manhattan. Là, il rencontre Norah (Kat Dennings, à croquer), aussi folle de rock que lui, qui va l’entraîner dans une soirée délurée à travers la ville à la recherche du concert ultra privé d’un de leurs groupes préférés… Quiproquos, rencontres improbables, personnages secondaires loufoques et décors new-yorkais 100% naturels : à première vue, Une nuit à New York a tout du After Hours de poche réservé à un public pubère. En réalité, le film embarque tout le monde dans sa virée grâce au caractère quasi-universel de son sujet : un gars, une fille, des potes, de la musique, une nuit blanche et la ville comme territoire à arpenter dans tous les sens, formidable terrain de jeu et de chasse où les lieux de repère côtoient des espaces inexplorés, plein de figures étranges et d’expériences inédites et interdites.
Peter Sollett concède à la mode et aux exigences commerciales quelques embardées gentiment grotesques : la meilleure copine de Norah, bourrée et défoncée au dernier degré, échappe à leur attention pour vivre un trip surréaliste qui repousse les limites du bon goût (estomacs sensibles s’abstenir). Malgré tout, on rit volontiers, car le cœur du film est ailleurs, particulièrement dans les nombreux dialogues échangés entre Nick et Norah, qui se séduisent via les codes classiques de la comédie romantique (rencontre incongrue, attraction/répulsion, engueulade, retrouvailles), mais en utilisant un langage propre à leur âge. Il est ainsi ici plus question de musique que d’expérience amoureuse : leur relation se construit sur ce qui compte le plus à leurs yeux, évacuant les critères de classe ou de physique. En filigrane, Peter Sollett dresse le portrait d’une jeunesse hédoniste et libre, motivée par des désirs simples, à rebours des clichés habituels (pour exemple, la question de l’homosexualité est traitée ici avec cinquante ans d’avance sur l’infâme Ce que pensent les hommes).
Loin des clichés habituellement réservés à la représentation de la ville dans le cinéma romantique hollywoodien, New York dans son versant nocturne est filmée telle qu’elle est : des clubs de l’East Village à la faune de St Mark’s Place en passant par les bars de Brooklyn et les couloirs déserts de Penn Station, la Grosse Pomme ne semble vivre qu’au rythme d’une bande-son omniprésente (ça en agacera plus d’un) mais irréprochable, véritable synthèse des meilleurs courants musicaux actuels. Dans un an ou deux, Une nuit à New York sera déjà un peu daté, mais qu’importe : comme le tube d’un été, il porte en lui la saveur des souvenirs de jeunesse, et le potentiel d’un petit film culte que les adolescents qui l’adorent aujourd’hui regarderont avec émotion demain.