Carole Laure n’est pas réellement une habituée de la réalisation : l’actrice de Préparez vos mouchoirs est passée derrière la caméra de façon tardive et confidentielle. Ce n’est pas pour autant qu’elle manque d’ambition, et son troisième long métrage traite avec pudeur et originalité du sujet des femmes battues. Une pudeur et une originalité qui, avec la performance de son actrice Catherine de Léan, tire La Capture vers le haut.
Rose est une jeune femme jolie, indépendante, dynamique, artiste, amoureuse… Elle est également rongée par son enfance, où elle a assisté pendant des années aux sévices infligées à sa mère par son père, qui la battait férocement. Malgré sa volonté d’aller de l’avant et de ne pas se laisser dévorer par la situation, Rose se trouve de nouveau confrontée à la violence de son père sur sa mère – mais cette fois, elle décide de réagir. Au mépris de la stabilité de sa propre vie, elle va prendre en main celle de son frère, paumé, de sa mère, mais surtout de son père, qu’elle enlève et séquestre, et qu’elle envisage de rééduquer.
C’est avec étonnement que l’on peut considérer le choix thématique de Carole Laure, également scénariste de ce troisième film. Non seulement le sujet est loin d’être facile à traiter, mais la réalisatrice retient certains de ses tics de mise en scène, qui ne sont pas sans rappeler l’omniprésence à l’écran de la danse dans Tout près du sol. Habituée des sujets graves, Laure affecte dans La Capture une étrange et trompeuse sérénité, comme si, en décrivant avec application – et une certaine lenteur sclérosée – le quotidien de ses protagonistes, elle visait à décrire l’ensemble de la situation qui précède l’acte difficile et passablement scabreux qui incombe à son héroïne.
C’est ainsi que La Capture va se faire un devoir de présenter le quotidien de Rose, de sa mère (plutôt convaincante Pascale Bussières), de son frère, et de son père (Laurent Lucas, qui semble à peine sorti de la débâcle de Lemming, tant son jeu rappelle celui du film de Dominik Moll). Cela donne quelques scènes plutôt bien trouvées, d’autres passablement inutiles et surjouées (notamment l’homosexualité esquissée de son frère Félix, ainsi que sa plongée dans un univers de la drogue de carton-pâte). Mais ce qui frappe surtout, c’est la propension de Carole Laure à disséminer tout au long du film nombre de scènes esthétisantes (Rose pratique la danse moderne et les répétitions de sa troupe sont… intenses) voire parfaitement oniriques. Censées évoquer l’intériorité de Rose, ces scènes oscillent entre le ridicule et une grâce touchante.
La Capture, bien avant d’être une étude sur le sujet grave des femmes battues, et des enfants déchirés par les exactions paternelles, est surtout le portrait d’une jeune femme, qui décide de but en blanc de prendre sa vie en main. Catherine de Léan, qui n’a pas plus d’une demi-douzaine de rôles à son actif, parvient à trouver un étonnant équilibre dans le rôle central du film – et s’impose en alter ego de Carole Laure. La réalisatrice, encore passablement novice, n’est pas exempte de maniérisme ni de défauts – et de Léan d’une certain immaturité dans le jeu. Mais entre l’ambition presque morbide de Laure à correctement illustrer son sombre propos et l’implication manifestement très forte de son actrice principale, La Capture pose des questions inédites et ne répond pas de la façon la plus attendue. C’est déjà une bien grande qualité.