Lorsque de jeunes étudiants décident de transposer leurs connaissances théoriques en économie dans le domaine de l’apprentissage sexuel, on peut facilement se dire que la représentation de la jeune élite française en prendra un coup. Pour son troisième long-métrage, Kim Chapiron effectue un retour à la réalisation avec un sujet sulfureux, censé briser le tabou de la vie étudiante en école de commerce. La sauce prendra-t-elle efficacement ? Verdict.
Jeunes et ambitieux
Ils sont jeunes. Ils sont brillants. Ils s’appellent Dan, Kelliah et Louis. Ils viennent d’intégrer la meilleure « business school » d’Europe, et avides de passer de la théorie à la pratique, ils décident d’appliquer les lois boursières dans le domaine des relations sexuelles. L’idée est simple : introduire de jolies jeunes femmes sur le campus et les inciter à avoir des relations intimes avec les garçons au physique le moins avantageux, afin d’accroître la popularité de ces derniers et se remplir efficacement les poches.
Après avoir filmé les (més)aventures sanglantes d’un groupe de jeunes dans le très remarqué Sheitan ou le calvaire d’une intégration carcérale dans Dog Pound, Kim Chapiron poursuit une nouvelle fois son exploration d’une jeunesse curieuse de tester ses propres limites. Cette représentation permet à l’enfant terrible du collectif Kourtrajmé de reproduire un langage cinématographique déjà bien ancré dans ses précédentes œuvres, et qui avait véritablement « signé » sa patte de réalisateur. Montage saccadé sur fond d’une musique électro, obstruction incessante du cadre filmique par une foule de jeunes en délire, ces tics de réalisation permettent à Kim Chapiron de dépeindre les travers d’une jeunesse communautaire, qui érige ses propres codes d’identification comme des éléments discriminants, et certainement comme le rempart le plus efficace vis-à-vis du réel passage à l’âge adulte.
Le pari de l’insolence
Malheureusement, sous ses airs insolents, le long-métrage de Kim Chapiron n’en demeure pas moins un film extrêmement lisse, comme sclérosé par la lourdeur de ses ficelles narratives, qui laissent peu de place à l’expression d’un discours réellement pertinent sur le sujet. L’application des lois du marché à la sexualité engendre une évolution comportementale prévisible de nos trois « apprentis-mac », entre celui qui utilise la manigance comme un accélérateur de compétences managériales ou celle qui en fait davantage un cache-misère personnel et un facteur d’intégration social. C’est peut-être avec cette dernière piste que le regard de Kim Chapiron devient certainement le plus acerbe et le plus ironique, assimilant le sentiment d’appartenance à une élite à un simple assujettissement, bête et méchant, de l’autre.
Le décalage attendu entre la théorie et la pratique offre donc à cette nouvelle réalisation l’allure d’un film « d’apprentissage », rythmé par les désillusions progressives d’une jeune élite plus vulnérable et fragile qu’elle ne prétend l’assurer. Tandis que le film Grande École de Robert Salis déconstruisait avec subtilité ce même mythe d’une jeune élite par le prisme d’un apprentissage sexuel immature et cruel, Kim Chapiron tombe dans le travers de vouloir déconstruire cette jeunesse en la gâtant le mieux possible de tous les excès. En résulte paradoxalement une œuvre filmique sage et plate, bien en deçà de ses promesses sulfureuses.