« Tous les quatre ans, l’humanité se passionne pour un événement sportif mondial. Pour certains, c’est très simple, pour d’autres, beaucoup moins…» C’est ce que dit le prologue de La Grande Finale. Les autres, dans ce film proche du documentaire, ce sont des Mongols nomades, des Touaregs nigériens et des Indiens d’Amazonie. Ce sont leurs mésaventures pour pouvoir suivre la finale de la Coupe du Monde de football 2002 que raconte le film, sous la forme d’une comédie qui doit beaucoup à l’expérience de documentariste de son réalisateur.
Sur une immense plaine déserte de Mongolie, tapissée de neige et entourée des majestueux monts Altaï, plane un aigle aux immenses ailes, déployées dans un silence apaisant. Sur le flanc d’une montagne, un groupe de chasseurs à cheval est réuni. Au même moment, dans le désert nigérien du Ténéré, une caravane de Touaregs se prépare pour la nuit, dissertant autour du thé. Plus loin encore, dans la forêt amazonienne, des Indiens s’affairent eux aussi à la chasse. Trois groupes d’hommes, des Jaunes, des Noirs, des Rouges, tous assez pressés d’avoir fini leur journée, pour se retrouver autour de la finale de la coupe du monde de football, en 2002, entre l’Allemagne et le Brésil. Encore faut-il que rien ne vienne perturber ce rendez-vous sacré ; avant tout, trouver le moyen de faire fonctionner de vieilles télés dans les endroits les plus isolés de la planète.
C’est le petit suspense qui traverse La Grande Finale. Un suspense tout relatif, qui n’est pas le but ultime du film, axé plutôt sur les situations comiques et la peinture de la diversité des peuples… pas si différents dès qu’il s’agit de ballon rond. Une peinture qui s’approche du genre documentaire, qu’on remarque dès la scène d’ouverture : Gerardo Olivares est spécialiste du documentaire animalier (d’où sa façon si maîtrisée de filmer le vol d’un aigle), anthropologique (son observation minutieuse des grandes et petites choses qui font un peuple), et culturel, trois catégories déployées dans son long métrage.
Le cinéaste distille dans cette « comédie documentaire » un « humour tendre » (par opposition avec humour vache) posé sur les personnages et les situations. Le comique qui découle du décalage entre tradition et modernité fonctionne plutôt bien : jeune Mongol muet avec de la musique techno vissée sur les oreilles, chasseur amazonien arborant le maillot de Ronaldo, jeune Nigérien vendant Playboy à la page… Des situations bien senties, qui permettent d’ancrer chaque peuple dans un quotidien, d’une façon d’autant plus fine et sensible que les acteurs y jouent leur propre rôle ; le réalisateur les a tous rencontré au cours de différents tournages, et ce sont leurs histoires qui ont nourri son long métrage.
La veine documentaire est également exploitée dans la bande-son, remplie de musiques traditionnelles recherchées, qui habillent les paysages dans une symbiose tout sauf folklorique. Dans La Grande Finale, le scénario est ainsi réduit au minimum au profit d’une observation empathique de ces hommes concentrés vers un même but ; chacun déploie toute son énergie et son sens de la débrouille pour faire fonctionner la télévision, où la messe sportive sera dite, et devant laquelle nomades et sédentaires, pouvoir central et petites gens, anciens colons et indigènes sont les mêmes.
La Grande Finale est un film léger, qui interroge la mondialisation avec humour (sous un angle comique) et sans grandiloquence. Son message aurait pu s’apparenter à une tarte à la crème de la mondialisation, mais il n’en est rien, puisqu’il est porté par la modestie du réalisateur. Néanmoins, malgré le beau et juste regard porté sur ces hommes, filmés dans toute la beauté du monde, le scénario si léger empêche le film de tenir sur la longueur. Le cinéaste fait parfois trop confiance à son expérience de « caméraman anthropologue », et n’a peut-être pas assez travaillé les tours et détours qu’aurait pu emprunter une telle histoire.