À partir du célèbre conte de Perrault, La Véritable Histoire du Chat Botté tente de marcher sur les traces des réussites, artistiques et/ou commerciales, nationales (les trolls hideux de Besson) et internationales (les superbes productions des studios Pixar) de l’animation de synthèse. Artistiquement, la comparaison avec ce qui se fait de mieux par ailleurs est tout à fait cruelle. Qu’en sera-t-il d’un point de vue marketing ?
Si le film ne vous suffit pas (et si la crise n’a pas trop entamé votre pouvoir d’achat), vous pourrez aussi faire l’acquisition, tenez-vous bien, de l’album (12,90 euros), du roman (11,90 euros), du livre d’activité (4,90 euros), de l’art book (25 euros), de la bande dessinée (10,50 euros) et de la bande originale composée par Moriarty (16,90 euros)… Et les figurines, alors ? Désagréable impression que celle d’avoir en main un luxueux dossier de presse se terminant en catalogue de produits dérivés. Une chose inédite que votre serviteur voulait simplement signaler un peu perfidement. L’aspect commercial de la chose n’est évidemment pas en soi condamnable, et il est même bienvenu que le cinéma national fasse preuve d’ambition. D’autant plus lorsqu’il s’agit de faire rimer, c’est ici la volonté affichée, marketing et qualité (françaaaaaaise bien sûr), deux entités que l’on tient parfois bêtement pour antithétiques. En guise de promesse, on note la présence des auteurs des Deschiens, Macha Makeïeff et Jérôme Deschamps, avec la qualité de réalisateurs.
Fondateur du groupe Duran Duboi, Pascal Hérold a pas mal roulé sa bosse dans les effets spéciaux numériques et l’animation informatique (Alien IV, Jeanne d’Arc, Astérix…). La première déception se situe à ce niveau ; l’animation, loin d’être lamentable, n’est pas irréprochable en matière de fluidité et de texture. On ne peut pas dire que la démarche du singe soit une grande réussite. Et lorsqu’il s’agit, dès la scène d’ouverture, de faire figurer la pénétration de rames dans l’eau, on est déjà plus très convaincu… L’élément aqueux est des plus sélectifs, mais ça peut très bien marcher par ailleurs, n’est-ce pas Monsieur Miyazaki ? Le couple Deschamp-Makeïeff s’est penché sur la partie plus artistique, particulièrement la gestuelle pour le premier, les costumes pour la seconde. Difficile de percevoir une véritable valeur ajoutée à leur intervention. Avec les décors, « un univers à la Gaudi » est-il mentionné, on est proche de l’agression visuelle à force de couleurs pétantes dont on se lasse rapidement.
Le récit reprend fidèlement le conte de Perrault qui apparaît en narrateur interne à quelques reprises. Un vieux meunier se meurt et lègue à ses trois fils ses biens : le moulin pour l’aîné, l’âne pour le cadet et un chat pour Petit Pierre, le benjamin. Laquelle bête, douée de parole et de raison, fait passer son gueux de maître, amoureux de la princesse, pour le marquis de Carabas. Pierre est niais à souhait, le chat un véritable cabot, le chambellan qui veut s’attirer les faveurs de la belle est très bête et méchant, l’ogre également. L’adjonction au titre du terme « véritable » est évidemment la promesse d’un conte revisité avec des anachronismes pour faire marrant et des dialogues décalés. Tout ça n’est pas très convaincant, d’autant plus que bien des scènes sont marquées par un rythme plus laborieux que dynamique ; la musique endiablée ne parvient pas à relever l’ensemble. Disons que le public adulte, contrairement à d’autres productions multigénérationelles offrant plusieurs niveaux de lecture, y trouvera difficilement son compte. Il y a bien un argument, c’est le personnage de la reine ; laquelle épouse les traits, la gestuelle ainsi que la voix drolatiques et pataudes d’une Yolande Moreau à son meilleur. C’est déjà ça, mais c’est bien peu. Dommage.