1987, Monroe County, Alabama. Dans la brise du Sud, un petit sac se balance au bout d’une corde – un strange fruit suspendu à l’arbre que Walter McMillian (Jamie Foxx) est méthodiquement en train d’abattre. De retour du travail, cet ouvrier afro-américain sans histoire est arrêté par la police et condamné à la peine capitale pour le meurtre d’une jeune femme blanche, sur la foi de faux témoignages. Les manoeuvres des autorités qui voient en lui un bouc émissaire idéal font le lit d’un fantasme bien ancré dans la population, celui d’une criminalité noire pathogène dont il faudrait purger la société. Walter McMillian sera finalement « blanchi » grâce à l’intervention de Bryan Stevenson (Michael B. Jordan), un jeune avocat afro-américain fraîchement diplômé d’Harvard qui a consacré sa vie à la défense des Noirs qu’une condamnation inique retient captifs dans le couloir de la mort. On le voit, le propos du film ne laisse aucune doute dès son ouverture en forme de métaphore : le lynchage a toujours cours, au milieu des années 1980, dans certains États du Sud. La chaise électrique a seulement remplacé la pendaison et la vindicte populaire revêtu les blancs habits du droit. Il s’agirait de mettre à bas, symboliquement, ce qui dans les institutions demeure d’un racisme structurel.
Le personnage de Bryan Stevenson – le film est adapté de ses mémoires – incarne aussi bien une forme d’empowerment, du fait de sa position sociale, qu’une figure quasi-christique. Le titre original du long-métrage (Just Mercy), plus encore que sa traduction française, rend compte de sa dimension évangélique. Stevenson ramène les condamnés de leur condition fantomatique à la vie. Il lui faut d’abord porter le fardeau de l’Histoire en faisant dans son propre corps l’épreuve de la violence (lors d’une fouille à nu où il est humilié par un agent pénitentiaire), venir à la rencontre d’une certaine réalité (cf. un plan où l’apparition floue de prisonniers vêtus de blanc, travaillant dans un champ, convoque les ombres du Ku Klux Klan) pour devenir ensuite porteur d’espoir pour toute une communauté. Le film organise alors, pour l’essentiel, une série de face-en-face en champs-contrechamps où l’enjeu pour l’avocat est de convaincre l’autre, inlassablement, avec cette idée assez naïve que dans l’échange contraint de deux regards (notamment celui du Blanc qui a menti et celui du Noir que ce mensonge mène à la mort), la duplicité sera désarmée. La trajectoire exemplaire de Stevenson correspond à un épuisement de la vérité : mettre à jour que rien n’étaie la culpabilité d’un homme et qu’en révélant la transparence d’une situation donnée, la justice ne peut que s’incliner. Mais à se reposer confortablement sur des notions binaires (innocence/culpabilité, blanc/noir, vérité/mensonge…), jamais prises en charge par une mise en scène rigoureuse, La Voie de la justice n’offre qu’un prototype de film édifiant où les bons sentiments vont de pair avec une parfaite innocuité politique, dans un récit-modèle cousu de fil blanc.