Pour la petite biographie de Robert Luketic, bornons-nous à citer La Revanche d’une blonde face auquel il est légitime de se divertir. La suite n’est pas à relever et Las Vegas 21 n’arrange pas franchement les choses. Dans sa médiocrité, le film finit presque par bénéficier de son manque de direction, laissant au spectateur l’illusion de lui accorder des interprétations parfois révélatrices. Dommage que Robert Luketic, lui, ne se soit pas donné autant de mal.
C’est encore une histoire vraie – décidément les producteurs ne se lassent pas de toutes sortes d’aventures i‑n-c-r-o-y-a-b-l-e‑s !! Ben (Jim Sturgess) est cet étudiant du M.I.T. qui a fait trembler les casinos de Las Vegas avec ses acolytes pendant les années 1990. Recrutés par le Prof. Rosa (Kevin Spacey) pour leur génie mathématique, ils parviennent à accumuler des sommes faramineuses jusqu’à tomber dans le piège et prendre goût au jeu. C’est quand ils sont repérés par la sécurité que l’affaire se corse et que les illusions pâlissent.
À propos d’illusions, guère de risque pour nous, tant Las Vegas 21 affiche sa devise dès le début. Luketic choisit de donner à son film cette allure de publicité qui sévit de plus en plus dans le cinéma actuel. Rien de mal à cela, si le montage effréné et autres zooms étaient le résultat d’un choix visant à transmettre quoi que ce soit de pondéré. Or nous avons la forte impression que tout cela se résume simplement à livrer un produit léché et plastifié : les jetons sont ultra-rouges, les casinos sont ultra-luisants, tout est ultra quelque chose. Si Boston est la ville grise où les personnages étudient, Las Vegas est, elle, le centre de tous les excès, point de vue qui n’est déjà pas très novateur. Et comme le clinquant marche, c’est évidemment ceci qui va être privilégié jusqu’à l’usure puisque nous pouvons désormais considérer que Las Vegas est connue de tous à force de voir et revoir les mêmes clichés. La fausse tour Eiffel, les façades du Mirage, du Flamingo ou du Caesars sont en passe de devenir des monuments de l’ère moderne. Autrement dit, on passe quelques moments d’ennui profond.
La mise en scène ne serait pas un problème en soi si encore elle était porteuse d’un quelconque propos. Dans La Revanche d’une blonde (2001), elle collait avec le délire stylistique et intellectuel du film, ici elle ne colle avec rien. On finit donc par essayer de la faire coller à quelque chose, tout en craignant que le cinéaste ne se soit pas embarrassé de cette tâche. Alors permettons-nous quelques interprétations dans le but de récompenser le spectateur que nous sommes. Voir dans cette quête obsessionnelle d’argent, le prix à payer pour l’excellence, à savoir les 300 000 $ d’inscription – plus ou moins proches de la réalité – qu’Harvard demande à Ben. Nous constatons ici les dégâts provoqués par un système universitaire qui aliène des jeunes prêts à tout pour pouvoir intégrer cette sphère prohibitive, reflet d’un monde où tout se paye y compris les carrières. Tout cela n’est qu’un film, mais la motivation pour un tel périple n’en reste pas moins terrifiante. Las Vegas 21 touche à un phénomène qui pourrait être défini comme une forme de prostitution, tellement il est poussé et pervers. D’ailleurs c’est le Pr Rosa qui fait la pluie et le beau temps jusqu’à empêcher Ben d’avoir son année suite à un litige entre les deux hommes.
Mais ne nous leurrons pas, les intentions de Luketic n’étaient pas aussi engagées et ce contentieux a probablement été davantage exploité afin d’insuffler un peu de tension à l’intrigue, en exacerbant le duel machiavélique dans la tradition du Limier (J.L. Mankiewicz, 1972) auquel il n’arrive même pas à l’orteil. Ici l’enjeu est bien plus simple comme le dit le producteur Michael De Luca : « Las Vegas 21 réunit plusieurs genres, plusieurs tonalités. C’est un film inspiré de faits réels avec du suspense, de l’action, de l’humour et une histoire d’amour. » Voilà ce qu’il faut dire pour être à la fois honnête et vendre un film. Voilà ce qu’il faut faire pour obtenir ce qu’on appelle chez les programmateurs « un film pour l’été ». Alors profitez plutôt du soleil !