Laure Marsac revient donc au cinéma après la réalisation d’un court métrage (Une star internationale, 2003). Devant et derrière la caméra, celle qui débuta sous l’égide de Jacques Doillon (La Pirate, 1984) et qui laissa une trace évanescente chez Neil Jordan (Entretien avec un vampire, 1994), Michel Deville (La Divine Poursuite, 1996), Éric Rohmer (Anniversaires, 1996), Jacques Rivette (Secret défense, 1997), a bellement mûri et donne aujourd’hui la juste mesure de son talent.
C’est l’histoire d’une jeune femme divinement blonde, rêveuse, qui n’est décidément pas en contact avec son époque. En décalage constant avec son entourage, Louise est soumise au temps moderne et ne saisit pas les enjeux très matériels de la vie. Et ces enjeux tournent autour d’un moyen de locomotion qui affiche une autonomie : la voiture. Louise, devenue maman, décide donc de passer pour la énième fois son permis de conduire pour ainsi mieux conduire sa vie. Elle réussit avec succès auprès d’un examinateur délicieusement ronchon (Denis Podalydès) mais découvre les affres de l’angoisse en oubliant ses clés de voiture dans l’automobile et en restant coincée sur un parking de supermarché. Aux prises avec le réel qui ne cesse de la rattraper, la jolie Louise, après plusieurs heures d’attente, part en souvenirs dans la voiture de sa mère. Elle finit ainsi son film sur une autoroute des années 1970 et âgée d’à peine six ans.
« Louise avait été enfant puis, à son tour, bien plus tard, elle avait eu un enfant. » En commençant dès lors à relater trois moments de l’existence mélancolique d’une femme en apposant filiation, affection et maternité, Laure Marsac donne le ton de ce 4ème Morceau de la femme coupée en 3. La douceur est ainsi l’adjectif qui sied le mieux à ce film car des personnages à la construction des plans en passant par la musique originale, tout se joue en douceur, doucement, langoureusement, longuement.
La réalisatrice, fort de laisser en rêveuse l’exquise Louise, « love » son personnage dans un halo de conte de fées. Les couleurs — rouge comme le chaperon, rose comme la couleur préférée des petites filles, blanc pour la pureté — construisent dans le cadre des pointes de féerie qui enserrent Louise. La blondeur oxygénée de l’actrice accentue cet état de fait ainsi que la façon qu’elle a de se vêtir : d’une élégance racée, Louise est toujours en mini-jupe et ses vestes, manteaux, robes — rouge, rose, violet puis à la fin noir — sont d’une coupe paradoxalement enfantine. Le lapin de sa fille, Aurore (ainsi est le prénom de la Belle au Bois Dormant), se nomme Alice et c’est bien à travers des miroirs que Louise aimerait pouvoir s’engager. À la fin, Louise enfant chante avec sa mère l’air de la fée (Delphine Seyrig) dans Peau d’Âne (Jacques Demy) et conclut le film en affirmant qu’il ne faut pas se marier avec ses parents.
Les plans du film sont construits comme des tableaux. Ils cadrent un bout de porte rouge et le visage de Laure Marsac qui écoute clandestinement la discussion entre son époux et sa fille, l’examinateur implacable et Louise inquiète dans la voiture, la silhouette fine de la femme dans un parking tellement trop vaste pour elle, un coin de rue, et restent longtemps, longtemps sur des riens pour dévoiler la personnalité évanescente de Louise. Si la première partie est formellement et narrativement très réussie, les deux suivantes sont moins convaincantes malgré le souci de donner d’autres temps (celui de l’attente pour la séquence du parking et du souvenir à reconstruire pour les scènes avec la mère dans la voiture) à la durée du film. Il n’en reste pas moins que ce premier long métrage d’une comédienne rare est prometteur et ouvre un nouveau genre cinématographique qui sera sans doute la pierre de touche de la jolie Laure : le film doux.