De retour dans sa campagne natale, le jeune Antoine tente de reprendre l’affaire de son père, épicier itinérant. Aidé de la pétillante Claire, il se confronte au vieillissement et au dépeuplement de villages entiers. Venu du documentaire pour la télévision, Éric Guirado a visiblement mis beaucoup de sincérité dans son second long-métrage de fiction mais, en dépit d’une évidente générosité, peine à se dépêtrer de certains clichés sur la (belle) campagne française et à se démarquer de certains passages obligés dans l’approche psychologique de ses personnages. Reste le charme et la sobriété des deux acteurs principaux.
Antoine (Nicolas Cazalé), moue boudeuse un rien sexy, erre de jobs en jobs et vit isolé dans son petit studio où les cartons non déballés rappellent qu’il n’a aucune attache, mis à part la jolie et fraîche Claire (Clotilde Hesme), sa voisine, pour qui il entretient un amour plus ou moins secret. Le jour où son affreux de père (Daniel Duval) fait une crise cardiaque, il est dans l’obligation de renouer un minimum de contacts avec sa famille. Sa mère (Jeanne Goupil), désemparée, lui demande de venir l’aider à l’épicerie du village. Hésitant, c’est aidé de son amie Claire qu’il tente finalement de reprendre le camion familial pour parcourir les petits villages isolés des campagnes voisines, pour la plupart peuplés de personnes âgées plus ou moins dépendantes.
C’est dans la première moitié du film que Le Fils de l’épicier tient le plus ses modestes promesses. De retour dans un univers qu’il a fui quelques années auparavant, Antoine prend la mesure du fossé qui le sépare de ce qu’il est de ce qu’il voudrait être. La plupart du temps silencieux – parce qu’il sait qu’une discussion annoncera forcément un coup d’éclat – il semble perpétuellement se cogner la tête contre les murs. Ces murs, ce sont ses parents (un père méprisant et râleur, une mère un brin étouffante), son frère clairement dépressif, Claire qu’il aimerait séduire mais qui se dérobe sans cesse à lui, et enfin tous ces petits vieux dont il ne comprend pas forcément la solitude. Cette rage toute maîtrisée que Nicolas Cazalé incarne parfaitement, est contrebalancée par de beaux moments où la caméra de Guirado se fait plus onirique, s’arrêtant généreusement sur un grain de peau pendant l’étreinte attendue, tentant quelques flous bienvenus où le temps – et donc la rage et la tristesse – semble enfin suspendu.
Après le départ précipité de Claire, le réalisateur est alors bien en peine de donner du grain à moudre à son film. Il semble évident que la tentative d’approche documentaire du dépeuplement des campagnes est bien trop écrite et ne laisse pas suffisamment place aux hasards et à l’improvisation pour ne pas souffrir considérablement du départ de Claire. Les limites du film qui se complaît trop souvent à montrer une campagne de carte postale (surtout pendant la saison chaude) prennent d’autant plus d’ampleur que le réalisateur et les scénaristes peinent à dépasser certains lieux communs du drame familial : les éternels conflits entre Antoine et son père mais surtout la tentative de suicide du frère sonnent comme autant de prétextes à relancer péniblement la machine jusqu’au happy-end plutôt forcé et un brin simpliste. Dommage pour Nicolas Cazalé qui, après s’être imposé dans l’univers de Gaël Morel (Les Chemins de l’oued, Le Clan) et avoir surnagé tant bien que mal dans le décevant UV, nous prouve ici combien son jeu sait faire preuve d’une belle subtilité.