Auteur prolifique de films d’animation, Rasmus A. Sivertsen a réalisé Le Lion et les trois brigands en mêlant pour la première fois son habituel stop motion avec des effets spéciaux numériques. Au sein de décors réduits filmés en prises de vues réelles, les personnages ont été animés en CGI, ce qui produit un curieux mélange des formes témoignant des choix sous contrainte opérés par les animateurs. Si ces derniers ont essayé de recréer l’illusion du stop motion, notamment par la décomposition hachée des mouvements propre à cette technique de captation image par image, ils se sont également livrés à une animation beaucoup plus poussée des visages et surtout des yeux. Cette hybridation, peu convaincante, produit des images trop désincarnées et dénuées de la force plastique inhérente au stop motion. Ce n’est qu’au dernier tiers du film qu’elle fait davantage sens, avec le surgissement d’éléments visuels hétérogènes : des dessins animés apparaissent en superposition et accompagnent les paroles de numéros chantés, des split screens strient les images en tous sens, les accessoires de personnages passent au premier plan…
Mais en dépit des jeux permis par ce mariage des formes, Le Lion et les trois brigands porte jusque dans sa chair un rapport ambivalent au numérique. Par endroits, l’accumulation d’effets spéciaux mêlés aux mouvements machinaux des personnages secondaires évoque grandement l’imagerie vidéoludique. L’enceinte de Cardamome, la (très) petite ville dans laquelle se déroule l’action du film, plantée au milieu d’un désert qui s’étend à perte de vue, ressemble ainsi aux limites d’une map, le terrain d’un jeu au-delà duquel on ne peut s’aventurer. Les habitants de la ville, dont la représentation se limite à quelques protagonistes aux répliques caricaturales et schématiques, ont quant à eux des airs de « PNJ », ces personnages non jouables qui ne disposent pas d’une volonté propre. Au lieu de moderniser le conte dont le film est adapté, ces images composites ne participent finalement qu’à son aseptisation générale.