Après la débâcle du premier chapitre de l’adaptation de la populaire saga de C.S. Lewis au cinéma, force était de constater que ce Prince Caspian n’était pas vraiment des plus attendus. Surprise : le second volet de la saga est plus mature, mieux écrit, plus intéressant et franchement largement plus enthousiasmant que son prédécesseur. Les protagonistes ont grandi et avec eux, semble t‑il, le public auquel est destiné le film, qui s’éloigne un peu des sentiers battus du mièvreilleux enfantin attendu. Dommage qu’Andrew Adamson ne sache rien faire de plus avec sa caméra que copier la saga du Seigneur des anneaux, parfois au plan près.
Un an a passé depuis que les enfants Pevensie sont revenus du monde enchanté de Narnia, où ils avaient vaincu la sorcière blanche et restauré l’autorité d’Aslan sur ces terres. Mais les jeunes gens ont du mal à accepter que l’accès à ce monde onirique leur soit à tout jamais barré. Lorsqu’ils sont magiquement invités à revenir à Narnia, les Pevensie ne se sentent plus de joie. Mais ils déchantent bien vite : 1300 ans ont passé, les Narniens ont été chassés et détruits par l’invasion des Telmarins, dont le cruel roi Miraz entend mettre fin une fois pour toute à l’existence de Narnia. Il compte également en profiter pour tuer son neveu, seul obstacle à la prétention de son fils au trône.
Qu’on se le dise : ce chapitre 2 n’appartient définitivement pas à la même catégorie que son prédécesseur, Le Lion, la Sorcière blanche et l’Armoire magique. Celui-ci était sage, ennuyeux, mièvre et bassement moraliste. Foin de tout cela dans sa suite : intrigue complexe, personnages secondaires savoureusement travaillés, et tentative de mise en scène un peu plus personnelle sont au rendez-vous. Car ce nouvel épisode est avant tout politique et tactique : à la différence d’un Eragon qui centrait tout autour de Computer Generated Images (CGI) sans plus se soucier de développer une intrigue digne de ce nom, ou d’un premier épisode où les CGI et les maquillages se révélaient le seul réel intérêt du film, les foisonnants effets du Monde de Narnia 2 ne sont rien de plus qu’une illustration d’une intrigue complexe, portée par des personnages humanisés.
Intrigue complexe parce que non content de montrer la rivalité entre Narniens et Telmarins, le film développe les rapports entre les personnages. Les quatre héros, notamment, abandonnent avec le temps le côté lisse de leurs personnages pour entrer plus dans leur peau. Les frères et sœurs, ainsi, se vouent des sentiments moins manichéens qu’auparavant, allant parfois jusqu’à des confrontations qui rendent leur groupe bien plus crédible. Le jeu des jeunes acteurs s’est amélioré, et ils existent à présent devant la caméra, tandis que leur rôle du premier épisode tenait avant tout d’une sage récitation. Le film fourmille de second rôle plutôt réussis, avec notamment le retour à la fantasy de Warwick « Willow » Davis dans le rôle d’un Nain noir et Sergio Castellitto, qui compose un roi Miraz sombre, grandiloquent et crédible.
Si le scénario, la photographie et le montage (notamment tout à fait appréciable dans la scène de l’attaque du château) sont largement plus satisfaisants que dans le premier épisode, que dire, cependant, de la mise en scène d’Andrew Adamson ? Réalisateur des deux premiers Shrek et du premier chapitre de Narnia, le Néo-Zélandais s’essaye pour la première fois à une véritable mise en scène. Plans larges et lyriques, mouvements emphatiques… et copie conforme du style de son compatriote Peter Jackson dans la trilogie du Seigneur des anneaux : ici, Susan singe Orlando Bloom, l’arc à la main, dans son rôle de Legolas ; là les Telmarins chargent les Narniens avec cavalerie et catapulte, mêlant l’assaut sur Osgiliath et le siège de Minas Tirith du Retour du Roi ; enfin, la tonalité désespérée et guerrière du film n’est pas sans rappeler le siège du gouffre de Helm dans Les Deux Tours… La copie orchestrée par Adamson va jusqu’à reprendre ces scènes à l’angle près − et la recette fonctionne, au moins aussi bien que dans la trilogie de Jackson. Reste que pour les aficionados des aventures de Frodon, l’ensemble possède un étrange goût de réchauffé, d’autant que les similitudes entre l’œuvre de Tolkien et celui de C.S. Lewis sont excessivement visibles.
Mais qu’à cela ne tienne : Le Prince Caspian parvient malgré tout à surprendre légèrement, notamment lorsqu’on le compare à son prédécesseur. Ce n’est que fort peu flatteur, tant ce premier épisode était raté, mais on se surprend à espérer : qui sait si le troisième épisode, L’Odyssée du Passeur d’Aurore ne sera pas à Caspian ce que celui-ci est au chapitre 1 ? Dans ce cas, toutes les impatiences sont permises, tant la comparaison joue en faveur de ce nouvel épisode.