On célèbre aujourd’hui la reprise d’une comédie culte de la belle époque italienne. Un mets de choix à déguster sans modération avant la grande bouffée d’hilarité qu’apporteront deux décennies de comédie à l’italienne.
C’est une tendresse et une légère nostalgie pour l’Italie d’alors qui pointent le bout de son aile lorsque l’on revoit Le Pigeon. Sorte de Touchez pas au grisbi transalpin, le film met en scène une fricassée d’italiens à la petite semaine dont le but est de remporter le pactole en organisant un menu fric-frac. Malheureusement, en bons amateurs indécrottables, le gang bigarré doit faire face à des embûches conséquentes, des conseillers maladroits et un anti-professionnalisme constant. Le pigeon en question est d’abord ce remplaçant de fortune que les Mario, Michele et consorts cherchent à tout prix à recruter pour sauver des geôles le malheureux Cosimo, pris plus tôt la main (et la manche) dans le sac. Ce sera le boxeur Peppe qui passera par cette case tandis que Cosimo, lui, y restera. Une infortune crasse que la suite du film ne fera qu’infirmer et que les minables gangsters, dans leurs humbles manigances, appelleront aussi.
Le Pigeon pose les bases de la comédie italienne. Derrière sa toile de fond populaire où se rencontrent des personnages gouailleurs et bons vivants, il distille un mélange d’humour pittoresque et de théâtralité débonnaire. Si le genre repose essentiellement sur des gueules d’acteurs prêt à toutes sortes de cabotinage, le film de Monicelli se démarque par son casting de choix. Ainsi, l’on pourra savourer la tchatche de Vittorio Gassman, être une fois encore séduit par la beauté généreuse de Claudia Cardinale (ou de Mastroianni) et goûter à un large choix de répliques savoureusement lancées. Des superpositions de voix canailles lorsque l’on se chamaille, aux bons mots (« Tu pourrais crier doucement ? », « La vie est comme une longue fleur qui ne s’ouvre qu’une fois ») jusqu’aux piteux préparatifs d’un casse que Woody Allen exportera dans un sketch fameux (Prends l’oseille et tire-toi), Le Pigeon fonctionne tout du long. Même les cartons (ironiques à souhait) seront contaminés par la fièvre drolatique de l’entreprise. Enfin, la réitération d’un idéal de braquage (« Faire les choses scientifiquement ») opposé dans les faits à des ustensiles de bazar, instruit sur les mécanismes du rire tendre et moqueur de la comédie à l’italienne. Toujours alimentées par d’improbables perturbations (la scène de la clé) qui enrayent continuellement la machine, les situations du Pigeon ne font qu’enregistrer le cadre précaire de ces existences en marge pour ensuite les embellir en un rire noble et franc.