Pour chroniquer la vie au sein d’un service de soins palliatifs, Les Équilibristes fait le choix d’un montage structuré en trois dimensions. La première est un hôpital, avec ses couloirs et sa salle de réunion, où discutent les internes du service, évoquant les patients qu’ils accompagnent en fin de vie. La deuxième est une scène de spectacle, plongée dans l’obscurité et le silence, où quatre danseurs modernes se livrent à une chorégraphie faite de caresses. Dans ces séquences, la réalisatrice témoigne en voix-off du décès de sa mère, ce qui confère à ce petit théâtre un caractère paradoxalement intime. Enfin, vient la troisième dimension, qui propose un éclairage à la fois extérieur et intérieur sur ce qui se joue ici : une suite de souvenirs filmés en Super 8 par la cinéaste, ainsi que des radios du cancer qui se développe dans le corps de sa mère. La beauté du film tient principalement à l’articulation de ces trois strates et régimes d’images aux tonalités bien distinctes. La réalisatrice parvient ainsi à faire partager un sentiment d’intimité fort en mettant en scène la perte de sa mère au sein d’espaces autant matériels et concrets (l’hôpital) que mentaux et privés (la danse, les souvenirs en Super 8). Tout le film, plongé dans un long silence, cultive un calme à la fois serein et mortifère, ainsi qu’un état d’engourdissement semblable à celui suscité par une séance d’hypnose (une pratique récurrente des soins palliatifs). C’est que Les Équilibristes ne cherche pas à montrer la guérison de patients voués à mourir, mais plutôt à accompagner le deuil des vivants qui ont perdu un être cher, à l’image de la réalisatrice. Cette démarche, simple et belle, évoque à certains moments la mélancolie de Chantal Akerman dans No Home Movie, ou bien la torpeur médicinale du cinéma de Weerasethakul.