Remarqué en 1989 avec son premier long-métrage, Chine ma douleur (prix Jean Vigo), Dai Sijie accède à la renommée internationale en 2001 avec son roman Balzac et la petite tailleuse chinoise, qu’il adapte avec un certain succès pour le grand écran. Il signe avec Les Filles du botaniste un film esthétisant et alambiqué.
Min, une jeune orpheline jouée par la ravissante Mylène Jampanoï, part étudier chez un botaniste de renom. Cet homme acariâtre (mais au bon cœur) vit avec sa fille An sur une petite île qu’il a transformée en un jardin luxuriant (et luxurieux malgré lui). De fil en aiguille, les deux jeunes femmes tombent amoureuses et s’abandonnent en cachette à la joie des plaisirs interdits, dans ce coin de paradis.
Bienvenue dans les « admirables jardins des croyances absurdes, des pressentiments, des obsessions et des délires » écrivait Aragon. Le jardin-personnage du cinéaste, en permettant l’unité de temps et de lieu, crée une atmosphère sulfureuse: entre quiétude de l’étude (le botaniste égrène le nom des plantes, Min coupe, bêche, cisèle) et langueur des corps qui s’abîment dans une nature profuse (Min et An s’enduisent de crèmes, inhalent les vapeurs de plantes). Autrement dit le film s’immisce entre histoire naturelle et histoire érotique. Les mouvements larges de la caméra, les plans fixes sur des corps dénudés, les voix off chuchotantes créent du mystère: une surimpression de coquetterie enfantine et de diableries perverses.
Autant d’artefacts qui font l’intérêt du film et sa limite. Car les héroïnes, aussi jolies qu’elles soient, nous restent extérieures, comme happées par le faste de ce jardin sans cœur. Reposant, Les Filles du botaniste est un film pour contemplatifs à sang froid. Trop artificiel pour créer une intimité, le film s’engage placidement sur les pentes du jardin verdoyant. Esthétisant, le film de Dai Sijie est brillant et sans profondeur.