Vingt ans séparent les trois courts-métrages réalisés par Yu Zheghuang dans le cadre des Studios de Shanghai entre 1960 et 1980 et rassemblés en un programme unique sous le titre Les Petits Canards de papier par le distributeur KMBO. Merveille de raffinement et de perfection de la technique d’animation en papiers découpés, cet ensemble est idéal pour les tout-petits.
Tout comme le Canada, l’Union soviétique ou l’Iran, la Chine, bien consciente de l’impact idéologique que pouvait avoir un cinéma à destination du jeune public, s’est dotée de son studio de cinéma d’animation qui, dans ses grandes heures au début des années 1960, employa près de quatre-cents personnes. C’est dans le cadre de ces prestigieux studios de Shanghai que Yu Zheghuang se spécialisa dans la technique du papier plié et découpé, qu’il expérimenta dans des ateliers à destination d’enfants, et qu’il put perfectionner au sein du studio, en se consacrant, une année durant (1960), à la réalisation des Petits Canards intelligents.
Histoires d’aventures, ces contes très courts impressionnent par leur qualité d’animation, tout comme par la simplicité de la technique employée. Chaque récit met en scène de jeunes animaux qui vivent heureux dans la nature, où ils font l’expérience de la liberté, du danger, et du courage. À peine sortis de l’œuf, les canards tous identiques, sauf un (Le Petit Canard Yaya, 1980), battent la campagne, en ribambelle, sous l’œil bienveillant d’un bon gros soleil rieur. La beauté des décors, les mouvements des personnages, le récit lui même, sont très épurés. Surtout, ce qui frappe dans ces trois courts métrages, c’est la virtuosité avec laquelle Yu Zheghuang parvient à suggérer des effets de matière à partir du seul papier. Les décors attirent autant l’attention que l’action, notamment dans le rendu du miroitement de l’eau au passage des canetons dans la mare. Mis en musique, Les Canards intelligents et Le Petit Canard Yaya offrent un ravissant ballet de papier coloré qui joue sur la simplicité des effets de surprise produits par les déplacements des personnages dans le décor.
Plus long, plus narratif que les deux autres courts, Un gros chou est aussi le seul dialogué. On pourrait regretter que la balade chantée du lapin et du chat dans un champ de choux perde un peu en poésie pour se faire plus didactique et forcer davantage le message moral, mais ce serait vraiment chercher la petite bête à cette charmante basse-cour.