En choisissant ces trois courts métrages pour la seconde édition de son anthologie de l’animation chinoise, après Impression de montagne et d’eau, les Films du Paradoxe présentent cette fois trois illustrations des proverbes et préceptes de vie de l’Empire du milieu. Entre la fable enfantine et le burlesque débridé, c’est la possibilité de découvrir plus avant les qualités de l’animation chinoise des années 1980.
Comme leur prédécesseur, Impression de montagne et d’eau, Les Trois Moines et autres histoires nous proposent de découvrir la culture de l’animation chinoise, avec cette fois-ci trois segments : L’Aigrette et l’Huître, Les Têtards à la recherche de leur maman et Les Trois Moines.
L’Aigrette et l’Huître, de 1983, se veut une illustration imagée de stratégies de guerre exposées dans les antiques Histoires comiques : lorsque deux personnes entrent en conflit, c’est une troisième qui en profitera. Ici, une aigrette tentant d’ouvrir de son bec la coquille d’une huître se verra, ainsi que sa proie, victime d’un troisième prédateur. Le réalisateur Hu Jinqing donne ici l’occasion de découvrir la technique inventée par ses soins du lavis découpage, qu’il emploiera plus tard dans les courts métrages La Mante religieuse et L’Épouvantail, tous deux au programme d’Impression de montagne et d’eau.
Les Têtards à la recherche de leur maman datent de 1960, et précèdent donc de vingt ans les deux autres courts métrages. La narration suit, comme il faut s’y attendre, les pérégrinations d’une portée de têtards que leur mère a quitté un instant. Il s’agit d’un conte traité d’une façon très enfantine, qui remportera l’adhésion de tous. Son réalisateur, Tei Wei, a utilisé ici, pour la première fois, le procédé extrêmement ardu du lavis animé. Cette technique très virtuose reste d’ailleurs le secret de son auteur. Il l’utilise ici pour mettre en images les peintures de Qi Baishi, et l’a également utilisée pour Impression de montagne et d’eau.
Les Trois Moines, quant à lui, sont le fruit d’une technique d’animation plus traditionnelle, et seront aussi plus accessible que les deux précédents. Ce film de 1980 illustre une maxime chinoise, qui dit que « un moine seul porte deux seaux d’eau, deux moines portent un seul seau et quand ils sont trois, ils manquent d’eau ». C’est ici un temple bouddhiste qui fait les frais du manque de coopération des trois moines. Ce film ironique foisonne en trouvailles visuelles et de mise en scène burlesque, autour des personnages des trois moines bornés.
On pourrait regretter que l’ensemble de ces trois films ne dure finalement que 45 minutes, tant ils emportent l’adhésion. La féerie, la beauté et l’énergie de l’animation charmeront les plus petits, et ce sera aussi l’occasion de s’ouvrir à un bel exemple de créativité et de maîtrise technique. Depuis la sortie de son ghetto intellectuel, l’animation – globalement – « asiatique » trouve toujours plus de spectateurs en France – et c’est heureux. Ces Trois Moines offrent des exemples historiquement sans prix de la qualité de production des Studios d’Art de Shanghai, mais se borner à n’apprécier ces films que pour cette raison serait commettre une erreur. C’est aussi et surtout pour leur candide beauté graphique qu’il faut ne surtout pas laisser échapper cette chance de (re)découvrir, après l’hélas passé inaperçu Impression de montagne et d’eau, les grandes richesses de l’animation chinoise.