Tami, jeune vingtenaire de Tel-Aviv, vit sous la coupe sexuelle, physique et affective d’un homme, Moshe, que l’on sait rapidement être son père : leur relation incestueuse, ni tout à fait consentie ni tout à fait imposée, a lentement enfermé Tami dans les dépendances auto-destructives en tous genres (boulimie, jalousie, scarification..). Mais la rencontre avec une femme va casser le rythme bien huilé de cette vie de soumission.
Dans la première heure de ce film qui semble plus prompt à montrer la souffrance brute qu’à la définir, il faut bien avouer que rien ne nous est épargné des frasques incestueuses de Moshe et Tami : sur le lit, dans la cuisine, sur le canapé, toutes les positions sexuelles sont couvertes, tous les sentiments sont synthétisés de la violence à la tendresse en passant par la colère. Mais pour dire quoi ? Pas grand-chose. Les scènes de description pure s’enchaînent, soulignant la souffrance de Tami, son incapacité à sortir de l’appartement et du monde que son père a créé autour d’elle. Mais elle n’existe jamais en dehors de ce glauque démonstratif qui semble fasciner la réalisatrice. Tami est une victime, est filmée comme telle et, dans la majeure partie partie de Loin de mon père, la caméra de Keren Yedeya ne parvient jamais à la sortir de ce rôle imposé. De gros plan isolant Tami de tout horizon en séquences d’une cruauté presque insupportable, la réalisatrice ne réussit pas à humaniser son personnage.
Une bienveillance tardive
Très active dans la lutte contre les violences faites aux femmes, Keren Yedeya veut sans doute faire de Tami un symbole : mais le symbole n’est ici qu’écriture. La peur de Tami existe essentiellement au travers du personnage de Moshé, évidemment porcin, et l’insistance effrénée dans la représentation de l’immonde induit une forme assez déplaisante de suspense : va-t-il la frapper en rentrant ? va-t-il la violer alors qu’elle a osé découcher ? Le bol d’air frais arrive enfin : alors que Moshé invite la maîtresse dont Tami est jalouse pour Pâques, celle-ci fuit, se promène sur la plage et, non sans avoir couché avec la moitié des hommes du coin, rencontre Shuli. Instinctivement, Shuli remarque la détresse de Tami, tente de la sortir de l’enfer… Nous ne dévoilerons pas la première étape (qui conclut le film) de la libération de Tami. Mais la naissance cinématographique de Tami arrive bien tard : notre œil et notre esprit sont trop épuisés de souffrance, de sexe glauque et de relations de pouvoir malsaines sans aucune bienveillance tempérante pour être réceptif à cet espoir impromptu.