L’histoire n’est ni plus, ni moins que celle des enjeux communs d’adolescents qui s’éveillent au désir et à la communication. En prenant pour cadre un quartier modeste de la communauté latino en pleine canicule estivale, le réalisateur Peter Sollett n’a pas voulu donner dans le documentaire, ni dans le misérabilisme.
Les préoccupations de ces jeunes-là sont universelles, et la quête d’une identité respectable, le problème de chacun d’entre nous. Ces jeunes qui peuplent Long Way Home n’ont rien à voir avec les Kids de Larry Clark. Nul processus d’autodestruction ne semble interférer dans leurs rapports avec les autres. C’est ce que l’on pourrait reprocher un temps à l’œuvre : aucun geste violent, absence de drogue, d’alcool, à peine une cigarette après l’amour, mais pourtant, « l’angélisme » des personnages ne détériore en rien l’authenticité de leurs badinages amoureux. Si l’on osait, on pourrait peut-être comparer l’œuvre à celle d’Éric Rohmer, Conte d’été, où chaque situation est prétexte à ce que chacun puisse exprimer ses mots, un sentiment, ou encore une déclaration d’amour, quitte à la vomir instantanément. Une micro communauté s’est alors reconstituée, et la fierté laisse place aux mots, à la découverte d’une certaine vérité, ou tout simplement à l’accès de soi.
Victor, personnage central, est un petit homme de 17 ans, au charme viril trop affirmé pour ses jeunes épaules. Il est la figure paternelle d’une famille qui n’en a plus. Nino, son petit frère, est, comme son nom l’indique, l’enfant préservé et donc l’innocence idéalisée par la grand-mère très catholique. Pourtant, Nino est comme tous les garçons de son âge, en proie à des désirs brûlants qu’il canalise par la masturbation ou par son affection non dissimulée pour son modèle, Victor. En face, il y a Judy, la jeune et jolie fille insoumise courtisée par Victor, qui cherche perpétuellement à éviter les faveurs des garçons qu’elle considère, à juste titre, peu valorisantes. Elle, son amie Melonie, la fausse moche qui s’éveille, et la petite sœur de Victor, pour le moins agressive et déjà désabusée, contribuent à former cette autre communauté, celle du sexe féminin qui doit se battre, mais surtout se défendre afin de survivre et de marquer leur indépendance, leur respectabilité.
L’expérience est fructueuse pour chacun d’entre eux, et l’enjeu, dépasser le mur de l’incompréhension qui les sépare (dixit Melonie), sera progressivement franchi. Plus qu’une initiation, Long Way Home, c’est la découverte de l’autre, mais aussi, l’apprentissage par l’autre. Nul n’est épargné, l’ignorance peut être affaire de chacun et ceci, même la grand-mère en fera son expérience. Portés par la volonté de se construire malgré tout, les protagonistes de l’œuvre sont marqués par cette vague idée du bonheur qu’ils cherchent activement sans en avoir pleinement conscience. Peter Sollett a su cerner, avec une incontestable authenticité, les préoccupations d’une génération. Sa mise en scène pudique et discrète, servie par une caméra relativement nerveuse, colle au plus près du point de vue de l’adolescent. Le jeune réalisateur donne, sans aucune complaisance ni forme d’imitation, toute l’importance nécessaire à ces enjeux qui, pour certains, pourraient paraître futiles. Les acteurs, tous non professionnels, ont donné du meilleur d’eux-mêmes, et habitent leur personnage avec une intensité exceptionnelle.