Magic Mike fut l’une des bonnes surprises de l’inventaire de fin de carrière auquel Steven Soderbergh s’est plié avant de faire ses adieux officiels à la mise en scène. Partiellement inspiré du passé de strip-teaseur de Channing Tatum, ce film plaisant mais inégal donnait corps, littéralement, à un milieu invisible jusque-là dans le cinéma mainstream, avant de dilapider son capital sympathie dans des intrigues subsidiaires sans grand intérêt et de souscrire à une morale téléphonée. L’annonce d’une suite sans Matthew McConaughey, assez irrésistible dans son rôle de cabaretier tout de cuir dévêtu, laissait espérer peu de choses. Fausse alerte : en faisant dès les premières minutes un sort au personnage de Dallas, Magic Mike XXL s’affranchit de la part existentielle qui encombrait parfois son prédécesseur et assume son statut de fable naturiste décomplexée. Accessoirement, il constitue aussi l’antidote parfait au désastreux Entourage, autre histoire d’amitié récente placée sous le signe de retrouvailles viriles, mais incapable de la moindre synergie.
Drôles de dames
Le mérite principal de ce sequel est d’avancer à rebours de l’original, récit initiatique qui finissait par céder aux rassurantes sirènes de la rédemption (la monogamie et l’ébénisterie, voies de sortie royales à l’impasse du strip-tease). Ici, dans une belle scène programmatique qui l’absout d’emblée de toute culpabilité, le personnage de Channing Tatum, seul dans son atelier et fer à souder en main, reprend spontanément goût à la danse. Il ne tardera pas à se mettre en congé de son entreprise pour rejoindre les Kings de Tampa dans une odyssée qui, de grecque, n’a pas seulement le physique sculptural de ses protagonistes : semé d’embûches et de doutes, leur périple dérisoire en forme de road movie les conduira de Floride jusqu’en Caroline du Sud, pour les besoins d’une convention nationale où ils seront accueillis en héros. Voici donc nos chippendales embarqués dans un food truck appartenant à l’un d’entre eux, avec à la remorque un ersatz de rêve américain qui ne tient plus qu’à un string. Évidemment, leur triomphe n’adviendra qu’au prix d’une radicale transformation de leurs chorégraphies et d’un retour aux fondamentaux de leur art, sous l’impulsion de celui qui reste l’âme du groupe depuis ses débuts et donne son titre à cette franchise.
En offrant à Mike la possibilité d’une nouvelle idylle, XXL ne fait que mine de retomber dans l’ornière du premier volet : Zoe (Amber Heard) est elle-même une strip-teaseuse qui veut quitter ce métier comme Mike trois ans plus tôt pour se consacrer à sa propre passion, la photographie. Il faut porter au crédit du film son refus de la dénuder, ou même de la sexualiser. La jeune fille trouve également en Mike un soutien inattendu dans sa quête d’émancipation, qui suit pourtant la trajectoire inverse de la sienne. Ici, chacun sympathise avec les rêves de l’autre, sans préjuger des chances de les accomplir, même si les seules à y être parvenues jusqu’à présent sont des femmes, plus que jamais décisionnaires dans ce monde d’hommes en cache-sexes. Une série de contre-emplois judicieux leur donne d’ailleurs la vedette. Souveraines en leurs royaumes respectifs, Jada Pinkett Smith et Elizabeth Banks ont beau régner sur ce matriarcat de conte de fées, c’est Andie MacDowell qui gagne nos faveurs, dans une mémorable prestation de cougar sudiste à la tête d’un gynécée d’épouses négligées.
Dirty Dancing
Délesté de tout militantisme, le féminisme pimpant du film s’accommode d’un plaisir retrouvé, perceptible dans la mâle alchimie du casting. Ce plaisir, il trouve aussi à s’incarner dans des scènes de lap dances qui se déclinent sur le mode de la surenchère, entre air sex et transes évangéliques. Le spectacle assez dément de ces pantomimes orgiaques où des corps effeuillés sont rhabillés de pourboires est d’une réjouissante candeur, et parfaitement raccord avec l’humeur estivale du moment. Magic Mike XXL s’avère finalement le meilleur film que Steven Soderbergh n’a pas tourné depuis trois ans (ou son moins mauvais, c’est selon). Encore qu’en dépit des apparences, il soit omniprésent sur ce projet: arborant les casquettes de directeur de la photographie, de monteur et de coproducteur, il n’a délégué à Gregory Jacobs, son premier assistant de toujours, que la réalisation. Confirmant au passage que sa retraite annoncée n’était rien d’autre qu’un pas de côté.