Avec Magic Mike, Steven Soderbergh continue dans sa mise en scène fascinée mais plate de l’expertise avec la volonté affichée de séduire à tout va. Il s’en sort à peine mieux que d’habitude.
Après les casses, l’art du mensonge, les scientifiques et les combats à mains nues, les chippendales, ou la séduction portée au carré de l’expertise. Sans surprise, Steven Soderbergh a calibré Magic Mike à l’aune de son cinéma – technicité et séduction – même si l’effervescence sympathique du strip-tease l’infléchit un peu. Inspiré de la jeunesse de son nouveau chouchou Channing Tatum (déjà dans Piégée, bientôt dans The Bitter Pill), il suit la vie de Mike qui s’effeuille la nuit pour tenter de monter son entreprise de meubles et initie un petit jeune (Alex Pettyfer) à la sœur sexy et posée (Coby Horn). Cette dimension initiatique qui donne son impulsion au film en constitue le meilleur aspect. C’est par son biais seul que se déploie un jeu sur la virilité exacerbée des strip-teasers qui se renverse joyeusement. Tout l’intérêt est dans la trivialité du pitch car c’est dans les moments de flottement, entre deux passages sur scène ou un jour de relâche, que Soderbergh s’attarde sur les corps bodybuildés et capte un peu d’une pratique et de ses codes, y retrouvant ce qui faisait le prix d’Ocean’s Eleven – de la décontraction. À l’inverse de l’experte de combat (Piégée) ou de l’impuissance face au virtuel (Contagion), le strip-tease induit du détachement au cœur de la maîtrise, comme s’en amuse la meilleure scène du film, à l’humour gay-friendly, où Matthew McConaughey initie Alex Pettyfer.
Mais ces moments sont trop furtifs pour élever le film vers une gratuité qui en aurait accru la sensualité, et Soderbergh les étouffe par des sous-intrigues bien moins intéressantes (le club cherche à s’agrandir à Miami et une dispensable affaire de drogue s’y ajoute). Ne chérissant rien tant que la vacuité, il ne fait que relever quelques éléments cool de son sujet pour séduire le spectateur. Ce sont surtout les scènes de danse qui font éclater l’incapacité de Soderbergh à s’émouvoir : privilégiant la dimension spectaculaire par un dispositif à plusieurs caméras, abusant du clinquant du lense flare (il est aussi le chef-op’), il passe à côté du potentiel érotique qu’offrait le choix incisif des cadres.
Restent alors les acteurs, comme souvent ultime intérêt des films de Soderbergh (voir The Informant avec Matt Damon), qui trouvent parfois une autonomie au sein de l’aspect technique de leur rôle. Ici, c’est le trouble biographique des talents du taureau Tatum, au relâchement et à la candeur de bon augure, ou un McConaughey bien décidé à lâcher la bride qui accrochent l’œil. Signe de la disette actuelle des studios qui se refusent à toute prise d’audace (entre remake de Spider-Man et reboot de Jason Bourne), les beaux gosses de blockbusters se refont une beauté dans un cinéma plus « auteuriste » (à venir, Chris « Thor » Hemsworth chez Spielberg ou Jason Statham chez De Palma). En les désapant, Soderbergh aura au moins réussi à leur tailler un nouveau costume d’acteur, faisant d’un podium de strip-tease une rampe de lancement pour stars en quête de crédit.