Jeune femme d’à peine vingt ans, Marieke séduit les hommes mûrs en quête d’un père disparu trop tôt dans d’étranges circonstances. De ce canevas plutôt classique, la réalisatrice belge Sophie Schoukens tire un film empesé et démonstratif, à peine sauvé par quelques timides tentatives stylistiques et sa jeune actrice principale, Hande Kodja.
Dès la première scène du film, la réalisatrice expose trop lourdement ce qui constituera la colonne vertébrale de son film : réunies dans le même bain, une femme et sa petite fille parlent du décès prématuré du père. Au mutisme de la première se confrontent les interrogations de la seconde. C’est sur ce même terrain miné que continuera de s’établir quelques années plus tard la relation entre Marieke (devenue une jolie jeune femme de vingt ans) et sa mère, toujours noyée dans une somme de non-dits qui l’éloignent de plus en plus du présent. Lorsque cette dernière découvre que sa fille fréquente des hommes mûrs et qu’elle reconstitue leur intimité charnelle à l’aide d’un appareil photo numérique, le dialogue semble définitivement rompu : Marieke s’égare alors dans des expériences de plus en plus borderline en quête d’une vérité que sa mère lui refuse obstinément.
À gros traits, Sophie Schoukens, dont c’est ici le premier long-métrage, dessine le profil psychologique de ses deux personnages principaux. Chaque mise en situation et chaque phrase de dialogue énoncent une intention, celle de donner corps au conflit intérieur de la jeune femme. Avec une application qui devient l’évidente limite du film, la réalisatrice enchaîne les scènes comme d’édifiants exposés dont les thèmes seraient le non-dit, le transfert ou encore la culpabilité. Handicapé par un gros problème d’écriture qui se traduit par une mise en scène morne, Marieke ne parvient qu’en de trop rares moments à faire exister le trouble de son héroïne. Sous-exploitant tout ce qui pourrait se passer en creux, le montage – trop scolaire – enchaîne les passages obligés (les scènes d’engueulade avec la mère, les premières déceptions affectives, la dispute avec la meilleure copine) jusqu’à cette fin ouverte qui nous met sur les rails d’une résolution ultra-prévisible.
Pourtant, le projet n’était pas dénué de potentiel. En filmant avec une certaine sensualité des corps vieillissants ou ne répondant pas aux canons habituels, Marieke rappelle parfois la joliesse du Roi de l’évasion d’Alain Guiraudie. Dans sa dernière partie, la mise en scène se fait un peu moins statique, jouant sur les ralentis et une bande-son assourdissante pour rendre compte du conflit intérieur du personnage principal. Hande Kodja, à la fois gauche et gracile, parvient par intermittences à laisser apparaître les failles d’un personnage dont la lourdeur des dialogues le prive la plupart du temps. Mais c’est malheureusement trop peu pour donner au film le souffle qui lui manque cruellement.