Cinq ans après le succès de La Prophétie des grenouilles en 2003, toujours produit par Folimage Jacques-Rémy Girerd signe un long métrage d’un style visuel différent mais dans lequel il retrouve les thèmes qui lui sont chers, la famille, l’écologie, la solidarité… Si l’on peut s’agacer d’un certain excès de manichéisme et de naïveté, les Migous, drôles d’instances dont nous restons libres d’interpréter le sens, donnent du charme et une certaine force à ce récit, qui traite en outre des problèmes écologiques d’une façon assez fine.
Quelque part en Amérique du Sud, la petite Mia, dont la mère est morte, est séparée de son père parti au loin travailler sur un chantier. Au moment où ce dernier est victime d’un accident de travail, l’enfant a un pressentiment très fort : il faut qu’elle aille le retrouver, il lui manque trop. Suivant son idée fixe, elle reste sourde aux avertissements des adultes qui la mettent en garde contre la montagne qu’elle doit traverser, dont personne n’est jamais revenu. Mia a tellement confiance que les obstacles qu’elle traverse ne semblent pas en être, ce qui la rend touchante. Parallèlement à ce voyage initiatique ponctué de diverses rencontres, nous suivons l’histoire d’Aldrin et de son père (Jekhide). Là, point de confiance, d’amour familial qui fait braver les dangers. Jekhide est un agent immobilier cupide et impitoyable, sur le point de réaliser le rêve de sa vie pour lequel il a sacrifié sa famille, la construction d’un complexe hôtelier (sur le chantier duquel travaillait le père de Mia). Délaissé par ce mauvais père à qui personne n’a appris à aimer, Aldrin s’ennuie. C’est avec joie qu’il le suit dans la forêt où ont lieu les travaux.
Cette mise en perspective de deux histoires, deux rapports à la vie et à la Nature, n’échappe hélas pas à un certain manichéisme : amour familial, confiance, respect de la Nature du côté de Mia ; inaptitude sentimentale, corruption, trahison et immoralité du côté de Jekhide. De même, le patron sans scrupule s’oppose radicalement aux ouvriers qu’ils méprise et maltraite, qui sont tous d’un altruisme exemplaire. Cette répartition des rôles un peu trop facile est néanmoins compensée par le flottement de sens que l’on peut donner aux Migous. Ces derniers, habitants de la montage et rencontrés par Mia, sont des espèces d’ours dont la taille varie de l’insecte au géant. Dotés de pouvoir magiques, ils sont très bienveillants envers l’enfant qu’ils aident. Prenant également soin de l’Arbre protecteur de la Terre, ils font figure de sages, de garants de la vie. Mais les Migous sont aussi des êtres limités, avec lesquels il est laborieux de communiquer (l’impossibilité pour Mia de parler le même langage oral qu’eux donne lieu à des scènes assez drôles). Ils sont également parfois aussi faibles que des humains, lorsqu’ils négligent la protection de l’Arbre car trop occupés à se disputer. C’est lors de leurs interventions que le film est le plus drôle, la pluralité des interprétations que l’on peut donner à ce qu’ils représentent constituant en outre l’une des richesses du film. Le titre, singularisant le Migou, peut suggérer qu’il ne s’agit pas de personnages mais plutôt d’une instance, le Migou pouvant être la Nature, le Cosmos, Dieu, la Confiance, la Solidarité… Pour Jacques-Rémy Girerd, le Migou, l’écologie, sont un rapport à soi et à la planète. A chacun donc, de trouver son propre Migou. Comparativement à Jekhide, Aldrin ou Mia, les Migous sont assez peu présents (ce qui est un peu frustrant), mais ce qu’ils représentent est assez fort pour les rendre centraux.
Comme La Prophétie des grenouilles, Mia et le Migou traite de problèmes écologiques, donne une image de ce qui va arriver : il fait trop chaud dans le monde du film, la mère d’Aldrin est en mission dans la banquise qui a fondu de moitié, l’eau a une couleur étrange, les incendies, la glace qui se répand, les pluies de météorites… signalant un dérèglement naturel général. Si le cri d’alerte est heureusement très peu formulé dans le film, la chanson du générique final l’explicite assez lourdement. Mia et le Migou parle de sujets intemporels (les relations familiales, l’amitié, l’accès à la vie adulte…), l’absence de précision temporelle et géographique participant de cette universalité. Mais il est également ancré dans la modernité : la mère d’Aldrin envoie des e mails, le père reçoit un appelle des Télécom qui lui parlent de ses forfaits et options illimitées… La présence, dans la fable, de ces éléments familiers terre à terre donne un certain poids à ce qu’il est dit de l’état de la planète. Le rapport entre patrons cupides et ouvriers étrangers exploités lorsque ne sont pas respectées les consignes de sécurité, résonnent aussi efficacement avec notre réalité.
Si le style visuel inspiré par les impressionnistes (Matisse, Cézanne, Dufy…) plaira davantage ou moins que celui de La Prophétie des grenouilles en fonction des goûts, le film est techniquement abouti. Six ans de travail par plus de 200 artistes et techniciens ont été nécessaires pour donner corps à des centaines de milliers de dessins faits à la main, l’ordinateur étant largement utilisé pour les nombreux effets spéciaux en images de synthèse. La complexité de la tâche ne se sent pourtant pas grâce au choix fait de rendre visibles les traits de pinceaux de façon un peu brouillonne. Les voix enfin, de Dany Boon, Yolande Moreau, Pierre Richard, Miou Miou… participent du professionnalisme de l’ensemble.