Entre le formidable et acide La Prophétie des grenouilles et le plus sage Mia et le Migou, la thématique de l’œuvre animée de Jacques-Rémy Girerd a été clairement posée : un ton libertaire plus ou moins rude, et des sympathies écologiques affirmées. Tante Hilda ! ne fait pas exception : « la nouvelle fable écolo des studios Folimage », clame même la bande-annonce. Alors, la question se pose : est-on en présence d’un pur film à thèse, ce que le pourtant déjà très intensément écolo Mia et le Migou avait su éviter ?
Astérix écolo
Nous voici donc en présence de tante Hilda, qui cultive dans une maison-serre perchée en haut d’une falaise qui relève purement de l’art brut un jardin colossal et merveilleux, loin de tout OGM. Chaque jour, elle écrit au Président de la République, pour lui exprimer son désaccord concernant sa politique très permissive à l’égard de la DOLO, multinationale tentaculaire produisant notamment lesdits OGM. Contestataire gentille, elle n’est évidemment pas écoutée, jusqu’au jour où la dernière plantation en date de la DOLO, succès mondial, dégénère et contamine le reste du règne végétal…
En Astérix écolo et pacifiste, la tante Hilda se pose donc comme un personnage très positif, qui seule résiste à l’envahisseur OGM. La naïveté de l’analyse économique et politique du film de Jacques-Rémy Girerd et Benoît Chieux peut prêter à sourire, ou carrément agacer – sans doute, cela dépend-il des sympathies politiques de l’auditoire. Quoi qu’il en soit, force est de constater que les premiers mouvements du film relèvent de l’exposition sans nuance d’une problématique aux sympathies anti-OGM avérées, à tel point qu’on en vient à se demander si le film en lui-même va parvenir à en extirper sa personnalité.
Symphonie colorée
C’est, en tout cas, ce qu’on lui souhaite, tant dès les premières images de Tante Hilda !, il apparaît que l’identité visuelle de Jacques-Rémy Girerd a encore drastiquement évolué. Après le style simple et percutant de La Prophétie des grenouilles et les couleurs chamarrées aux formes adoucies de Mia, Tante Hilda ! a son univers bien à lui, un trait aux contours vagues, aux couleurs plus oniriques encore que celles de Mia, au croisement du U de Grégoire Solotareff et de Mes voisins les Yamada d’Isao Takahata.
Les choix visuels opérés par Jacques-Rémy Girerd et Benoît Chieux (et par la directrice de l’animation Suzanne Seidel) sont un régal pour l’œil, et Tante Hilda ! est un festin visuel de tous les instants. Ajoutons à cela que les réalisateurs maîtrisent à merveille un récit où l’absurde, l’exagération permanente permettent au film de sortir de l’ornière entrevue du pensum idéologique pour accéder à une dimension plus douce, personnelle et touchante. Si on n’y retrouve pas la force satirique directe et ravageuse de La Prophétie des grenouilles, Tante Hilda ! demeure une œuvre que la naïveté apparente de son propos n’empêche pas de créer un univers visuel merveilleux, plus complexe qu’il n’y paraît, et qui emporte finalement l’adhésion.