Être une mauvaise romancière ne suffisait pas à Saphia Azzeddine. Il fallait qu’elle nous montre qu’elle pouvait également être une mauvaise réalisatrice. Rien de plus simple pour ça que d’adapter un de ses romans. Avec Mon père est femme de ménage, elle fait d’une pierre deux coups ou plutôt d’un nanar deux tiroirs-caisses. L’apprentie cinéaste dresse le portrait caricatural d’une famille ouvrière qu’elle filme avec une condescendance presque choquante, n’échappant pas au passage à l’absence de style caractéristique de bon nombre de premiers films français.
Dans une absence totale de mise en scène et une esthétique télévisuelle, le film présente une galerie de personnages qui n’apparaissent jamais qu’à travers leur distinction sociale ou ethnique. Les conflits qui les animent sont de même toujours très attendus, pour ne pas dire annoncés. Polo, seize ans, n’assume pas plus l’origine sociale de ses parents que leur absence d’éducation. Son père est un homme de ménage inculte mais dévoué à sa famille. Sa mère et sa sœur (dont Saphia Azzeddine filme la beauferie avec une complaisance déconcertante) sont toutes deux réduites à des téléspectatrices acharnées d’Arthur ou des clips de Sofia Essaïdi. Un Noir, un Arabe et un Juif forment sa bande de copains. Enfin, son fantasme se trouve être une jeune et jolie bourgeoise.
À vouloir trop prêcher la réconciliation (sociale, ethnique, père-fils), Saphia Azzeddine plonge la tête la première dans les plus bas stéréotypes, nous livrant son petit guide de la différence pour les nuls. La véritable méprise de la réalisatrice est de confondre tolérance et quota, chaque personnage étant réduit au beauf, à la bourgeoise, au black de service etc. Dans une scène résumant toute l’ambition démagogique du film, les copains de Polo s’envoient chacun leur tour une petite blague sur les noirs, les arabes et les juifs. La systématisation de la formule « c’est l’histoire d’un » (déclinable à l’infini) construit une symétrie de propagande dans laquelle personne n’est épargné. Cette impartialité imposée que la réalisatrice tente de nous asséner à coups de marteau est très malvenue. Saphia Azzeddine patauge dans le civisme de bas étage avec toute l’arrogance d’une maîtresse d’école. Elle nous fait la leçon et on se retrouve sur les bancs de l’école. Les cancres, c’est nous.
Le film déploie, contrairement à ce qu’il voudrait nous faire croire, tout son mépris pour la classe ouvrière. Face à la famille de l’adolescent, irrévocablement inculte mais sympathique, le message présomptueux qui se glisse derrière Polo (trop intelligent pour eux) laisse sans voix. Tout le paternalisme du film est incarné à travers son point de vue. Et on ne peut qu’approuver quand son père (François Cluzet) lui retourne une bonne tarte. On souhaite en passant à l’acteur chabrolien d’arrêter les navets pour trouver davantage de rôles à la hauteur de son grand talent. Parce qu’il n’y a pas de chose plus triste que de le voir dire à son fils qu’il ne doit pas finir comme lui, c’est-à-dire à « regarder plus souvent le sol que le ciel, ce qui n’empêche pas de marcher dans la merde ».
Outre une très laide scène d’amour de pré-pubères qui se grimpent dessus, on reste dubitatif devant une élection de miss qui lorgne un peu trop vers le déjà pas top Little Miss Sunshine. On a droit en bonus à l’improbable présence du sosie de Laurent Gerra (véridique) qui nous livre une imitation malaisée de Jacques Martin. Mais le film atteint l’apothéose de la vulgarité dans sa séquence finale. Quinze ans plus tard, on découvre le foyer fondé par Polo dans une banlieue baignée d’une lumière comme on n’en voit que dans les publicités. Ou plutôt Barbie, Ken et bébé Ken nous font découvrir le pavillon Ikea dans lequel ils ont le bonheur de vivre. Cet épilogue pompeux pour nous dire que Polo, devenu steward, n’est finalement qu’un homme qui « fait le ménage dans les airs » comme le remarque son fils. C’est beau la réconciliation familiale sur fond de conflit social. On tient là peut-être notre top navet 2011.