Si Morning Glory est rythmé à défaut d’être drôle, le métier du réalisateur Roger Michell (Coup de foudre à Notting Hill) et l’énergie déployée par l’actrice Rachel McAdams ne parviennent à compenser ni l’ennui que dégage un script qui semble avoir été pondu par un ordinateur, ni l’antipathie qu’inspire sa morale cynique.
Quand elle se voit proposer de reprendre en mains Daybreak, une sorte de Télématin US en perte de vitesse, Becky, productrice de télévision jeune, travailleuse et ambitieuse, y voit la chance de sa vie. Pour redynamiser le show, elle décide notamment d’y intégrer Mike Pomeroy, figure respectée du journalisme d’investigation. Problème : Pomeroy vit très mal ce qu’il considère comme une relégation et une insulte personnelle. Son manque de motivation et ses relations exécrables avec sa coanimatrice finissent par déborder sur l’antenne. Mais Becky veille au grain.
Écrit par la scénariste du Diable s’habille en Prada, Morning Glory en décalque le principe dans l’espoir d’en renouveler le succès. Une pimpante ingénue se retrouve une nouvelle fois aux prises avec les caprices d’une vieille star acariâtre (Harrison Ford, triste fin de carrière), qu’elle finira bien sûr par amadouer à force de patience et de bons sentiments. Comme celui de la mode, le milieu des médias est violent et fonctionne sur l’humiliation ? Il suffit là encore d’un peu de dynamisme et de bonne humeur pour le transformer en monde merveilleux des Bisounours ! Entre deux placements de produits pour McDonald’s ou Apple, le film de Roger Michell s’achemine ainsi vers un dénouement connu d’avance. Mené tambour battant, le programme pourrait se suivre sans déplaisir, s’il n’était mis au service d’une vision très morne des rapports hommes/femmes et d’une idéologie foncièrement détestable.
Équivalent cinématographique moderne des romans Harlequin, Morning Glory s’adresse avant tout au public féminin tel que Hollywood le fantasme et le formate. Certes, modeste concession à l’époque, il choisit de mettre en scène une femme active, une battante énergique complètement épanouie dans son travail… mais il nous fait bien sentir qu’au fond d’elle, elle souffre de sacrifier sa vie sentimentale à sa carrière professionnelle. Encore aujourd’hui, être une femme libérée, ce n’est pas si facile : il faut donc un homme à Becky, et le scénario se charge de lui en trouver un. Il se repère aisément : les violons accompagnent chacune de ses apparitions. Interprété par Patrick Wilson, acteur d’une fadeur à faire frémir un concombre, il a tous les atouts du prince charmant moderne : jeune, beau, diplômé de Yale, héritier d’une riche famille, patient, sensible… À la fois viril et asexué, il n’est certes pas un mâle dominant, mais il n’est pas non plus un égal, un amant ou un ami – c’est à peine une présence. En creux, c’est une effrayante aseptisation des relations amoureuses que propose Morning Glory.
Mais le film de Roger Michell n’est pas qu’une comédie romantique ratée : c’est aussi une fausse satire des médias, particulièrement hypocrite puisqu’elle promeut insidieusement ce qu’elle prétend gentiment égratigner. En bon petit soldat, Becky ne voit que deux moyens de sauver une émission présentée comme respectueuse du public au point d’en être terne : le trash (« À partir de maintenant, tous les sujets devront être spectaculaires ») et le mélange des genres, à travers un mariage contre-nature entre divertissement et information. Fondée sur le sensationnalisme et l’avilissement des participants/cobayes, la nouvelle formule de Daybreak est bien sûr présentée comme une réussite, et l’acmé du film, son terrifiant happy end, c’est un grand journaliste qui bafoue ses principes (la conscience professionnelle, le sérieux, la dignité) pour que plus rien ne grince dans les rouages de la machine à décerveler. Faut-il s’étonner, dès lors, que la seule téléspectatrice furtivement croisée par les héros de ce triste monument dressé par le cinéma à la gloire de la télé-poubelle soit présentée comme une imbécile ?