Dans un monde imaginaire où cohabitent des êtres surnaturels (géants, faunes, personnages de cire), l’élection des gardiens de la lune et du soleil prend un tour inattendu lorsque Mune, un jeune faune inexpérimenté est nommé responsable de l’astre nocturne. La légèreté de Mune face à cette immense tâche se solde rapidement par le vol du soleil, remettant en question la survie de la planète. S’engage alors une course contre la montre où d’incroyables aventures attendent le petit héros, épaulé par Sohone, le colosse solaire et Cire, une fragile créature prête à fondre aux premiers rayons.
Une féerie visuelle
Pour Mune, le gardien de la lune, leur premier long métrage, le scénariste Benoît Philippon (Lullaby, Sueurs) et l’animateur Alexandre Heboyan (Kung Fu Panda et Azur et Asmar) proposent une plongée dans un univers plastiquement épatant. Mêlant une narration poétique proche d’un Terry Gilliam (harponner la lune pour la balader durant la nuit) à une esthétique léchée, Mune captive dès les premières secondes. L’ambivalence visuelle des mondes diurnes et nocturnes fait merveille. Aux luxuriantes forêts obscures parsemées d’éléments luminescents aux paysages écrasés de soleil, le film navigue avec grâce dans un univers qui happe sans mal la rétine des spectateurs. Si le design des décors est irréprochable, celui des personnages n’est pas en reste. Mune, le minuscule faune et Cire, l’héroïne sujette à une fonte inopinée, rappellent les fantasmagories nippones avec leurs immenses yeux, métaphore filée du regard émerveillé qu’ils portent sur le monde qui les entoure. Quant au géant d’ambre, figure éminemment virile de par sa taille et sa puissance, il apparait comme une version américaine du super-héros, tel Buzz l’Éclair. Le trio de personnages semble ainsi un précipité des sources d’inspiration de Philippon et Heboyan, piochant dans un bestiaire familier pour le public. Pour autant, ces références naturelles n’ombragent aucunement la créativité plastique de Mune. Poétique et onirique, le film parvient à imposer sa singularité visuelle.
Un monde complexe
Mais le flacon a beau émerveiller, l’ivresse peine à arriver. La faute en incombe sans doute à un scénario à la fois manichéen (la nuit/le jour, le Bien/le Mal) et hautement complexe pour un jeune public. Les enjeux ont beau être clairs (récupérer le soleil volé par une entité malfaisante), la cosmogonie qui se déploie à l’écran apparaît inadaptée aux plus jeunes. Chaque protagoniste répond ainsi à ses propres problématiques (éviter le soleil pour l’une, réparer ses erreurs pour le faune et apprendre l’humilité pour le dernier) tout en s’ancrant dans une mythologie foisonnante. La course des astres qui rythme la vie de tout ce petit monde met en branle de nombreuses connaissances dont, soyons clairs, les plus petits seront exclus. Alors même que Mune, le gardien de la lune s’adresse de par son design féérique aux têtes blondes, il sème son auditoire au fil des nombreuses références à une astrophysique farfelue. Si le plaisir de découvrir ces contrées fantastiques est indéniable, le récit n’emprunte que partiellement la structure du conte (le parcours initiatique du trio jusqu’à un poignant final), s’enlisant dans des concepts quelque peu hermétiques. Trop pointu pour les enfants et trop féerique pour les pré-adolescents, Mune rate sa cible, non sans panache.