L’affiche de No Pasaran et son accroche (« Il était une fois dans le Sud-Ouest ») nous promettent rien moins qu’un western à la française. Au-delà de l’hommage à Sergio Leone, c’est une multitude de genres et d’influences que brassent les auteurs : satire politique, drame rural et comédie régionaliste. En résulte un film fait de bric et de broc, qui ne convainc à aucun niveau et se révèle même assez antipathique par sa volonté de paraître à tout prix sympathique.
Le tracé d’une autoroute censée désenclaver une vallée pyrénéenne menace l’exploitation de Maxence Lafourcade, modeste éleveur de cochons. Pour faire échec au projet, il s’allie à son cousin garagiste, à une star locale de l’éco-terrorisme et au riche avocat américain dont la villégiature surplombe la ferme. Mais en plus de devoir faire face à leurs divisions internes, ils se heurtent aux magouilles du député-maire local, qui a tout intérêt à ce que l’autoroute voie le jour.
Ce scénario fait ouvertement référence à une célèbre controverse qui secoua la région dans les années 90 : le creusement du Tunnel du Somport, reliant l’Espagne à la France et défigurant durablement la vallée d’Aspe. Malgré leurs efforts, les opposants au tunnel menés par « l’Indien » Éric Pététin, n’avaient pas eu gain de cause : ils étaient en effet trop peu soutenus par une population locale sensible aux promesses de développement économique, et qui aujourd’hui doit déchanter face à l’augmentation du trafic routier et à la dégradation du site.
Il y avait donc matière à satire, et le film fonctionne sur l’inusable moteur de la comédie française populaire : la lutte des petits contre les gros. Hélas, si les auteurs se considèrent eux-mêmes comme de fervents admirateurs des grandes comédies italiennes, ils semblent ne pas en avoir compris les recettes et sombrent dans de nombreuses facilités : ils surchargent leurs personnages (pauvre Rossy De Palma), et recourent à des situations éculées (le député-maire surpris dans son bureau en train de peloter sa secrétaire) et à d’innombrables clichés (l’Américain fourbe, le paysan au grand cœur, la jeune artiste aux mœurs décadentes). La caricature s’en trouve tellement chargée que le film perd beaucoup en pertinence. S’il surprend par un ton plus sombre que d’ordinaire – le combat est clairement inégal, et il n’est pas dit que l’inévitable happy end ne soit pas teinté d’amertume – les quelques audaces et la louable volonté d’iconoclasme sont gâchées par un mépris visible envers les petites gens qu’on fait par ailleurs mine de vouloir défendre. On reconnaît là le trait épais de l’humour Canal +, dont l’influence est si désastreuse pour le cinéma français : Éric Martin, coréalisateur et coscénariste, écrit également pour l’émission Groland…
Sans folie, sans rythme ni idées de mise en scène, à l’exception de quelques rares saillies surréalistes (pas toujours convaincantes), No Pasaran manque cruellement de carburant comique. Ses auteurs, sans doute émoustillés par le succès de Bienvenue chez les Chtis, se sont par conséquent rabattus sur l’exploitation du folklore local, et semblent viser l’exhaustivité dans l’énumération des clichés régionalistes : la beauté sauvage des Pyrénées, l’amour du rugby, l’écologie, les ours, la chasse à la palombe, la bonne chère, les expressions imagées (ici ressassées à l’excès : on ne compte plus les « Pute borgne ! »…) et bien sûr l’accent, que les acteurs appuient avec une application pénible. Derrière les sympathiques références des auteurs, on relève en définitive un manque flagrant d’originalité, et des calculs bien peu glorieux derrière leur volonté déclarée de réaliser une fable populaire. Reste désormais à espérer qu’on ne verra pas un jour débouler sur nos écrans un Bienvenue chez les Alsaciens ou chez les Bretons.