Niko est un jeune homme de la vingtaine, désœuvré, en proie au doute. Au cours des 24 heures que dure l’intrigue d’Oh Boy, sa vie va changer. L’intranquille indolence dans laquelle il se complaisait est peu à peu perturbée par une série de rencontres et de déconvenues dont rend compte cette journée berlinoise – censée symboliser, assez lourdement il faut le dire, une traditionnelle prise de conscience menant vers l’âge adulte. Malgré un ton mélancolique assez juste et un certain humour, Oh Boy peine à dépasser l’aspect anecdotique de sa structure narrative.
Depuis deux ans, Niko réfléchit. Il vit aux crochets de son père, qui lui verse de l’argent chaque mois en échange de l’illusion que le jeune homme poursuit ses études de droit (en fait arrêtées depuis belle lurette). Par l’intermédiaire de ce personnage quelque chose, dans la tonalité d’Oh Boy, parvient à figurer un certain désarroi, une certaine langueur : ceux du doute, ceux d’une époque. La mise en scène, cela dit, semble rester à la surface du sentiment d’étrangeté dont il est question. Oh Boy n’en serait qu’une vitrine : une amusante mais mélancolique variation sur ce thème, portée par l’écrin du noir et blanc et de la musique jazz.
On suit donc sur le cours d’une journée Niko, jeune homme désœuvré qui se sépare de sa petite amie au matin et va passer sa journée, de rencontres en retrouvailles, à traîner son indolence à travers Berlin. D’un voisin déphasé à une ancienne camarade de classe perdue de vue depuis des années, en passant par un vieil homme saoul en plein délire nostalgique, le scénario d’Oh Boy se pose comme une série, ou plus exactement une accumulation de confrontations qui n’ont d’autre lien les unes avec les autres que leur unité de temps et leur lien humain, Niko.
On le sent : le jeune réalisateur Jan Ole Gerster veut moins capter, à travers le personnage de Niko, l’air du temps (d’où le noir et blanc et l’absence de tout contexte qui posent la courte intrigue hors du temps et du monde) que le désarroi d’une génération : celle des jeunes de la vingtaine, désœuvrés, qui se laissent porter par le vent – faute d’objectifs, faute d’engagement, attendant… quelque chose. Cet âge, le réalisateur cherche donc à l’incarner à travers la figure banale de Niko, par addition : une addition de rencontres en tous genres, qui se posent comme tant de petites histoires que seul l’artifice de l’unité de temps relie. Le malaise est caricaturé avec finesse – Niko faisant face à diverses déconvenues, plus ou moins drôles mais rendant compte d’un sens évident et efficace du comique. Jan Ole Gerster démontre aussi une certaine maîtrise esthétique, grâce au noir et blanc et au jazz qui l’accompagne du début à la fin. Mais cela ne va finalement pas plus loin que le petit gag malin. Il semble malheureusement qu’Oh Boy, reproduisant jusqu’en son cœur la torpeur de son personnage, se laisse porter par les bonnes idées qui ne vont pas loin – au lieu de prendre la vie et le cinéma à bras le corps. Même la dernière rencontre, qui se termine sur une mort et semble vouloir donner au film une conclusion en forme de remise en question et de passage vers un autre âge, refuse au fond de vraiment trancher. Oh Boy reste un essai manqué : charmant mais creux, malin mais désengagé. Le film se regarde comme son personnage regarde la vie : en attendant mieux.