Avec un tel titre et dans le cadre d’une comédie dite populaire, Pattaya pourrait inciter tout spectateur en quête de dignité à craindre le pire. Prenant largement place dans les ruelles de cette station thaïlandaise, souvent évoquée comme capitale mondiale du tourisme sexuel, le deuxième long-métrage de Franck Gastambide ne s’épargne en effet aucune lourdeur. Apologie jusqu’au-boutiste du mauvais goût, le film débute par un gag destiné à humilier un nain en jouant sur les échelles de plans et se conclut par une projection de diarrhée à l’écran ; deux scènes qui donnent le ton en traduisant autant sa vulgarité que son caractère systématiquement discriminant.
Du mépris des autres à la haine de soi
Dans Pattaya, aucun des clichés les plus insultants sur la Thaïlande ou les jeunes de banlieue n’est laissé de côté. Chaque gag en abuse, avec pour intention de racoler tout spectateur susceptible de céder sa réflexion au profit de rires méprisants. Toutefois et à force de tirer à vue dans un premier degré consternant, la comédie écrite, réalisée et interprétée par Franck Gastambide aura bien du mal en amuser d’autres que lui. En effet, son film ne se contentera pas d’humiliations réservées aux obèses, aux chauves et autres transsexuels (passage apparemment obligé de toute beauferie prenant place en Thaïlande), mais ira jusqu’à charcuter son public cible, les classes populaires de banlieue, qu’il qualifiait déjà – mais avec plus de second degré – de «kaïra» dans son précédent opus. Et si l’auteur de Pattaya ne semble plus réellement les connaître depuis dix ans tant son scénario les caractérise de façon désuète (qui écoute encore Amine ou parle de « te-fri » en verlan en 2016 ?), sa volonté de les mettre au plus bas intellectuellement, sans jamais leur concéder le moindre espoir ou la moindre lumière, constituera sans doute l’un des aspects les plus rebutants de son œuvre. Ainsi, ses personnages aux fautes de syntaxe perpétuelles n’évoqueront-ils à longueur de scènes que leur «passion que je veux ressembler à Vin Diesel» et leur totale absence d’ambitions.
De ces ambitions, il faudra alors s’interroger sur celles de Franck Gastambide, qui au delà de livrer un scénario outrancier et mis en image sans jamais déroger des standards actuels des comédies populaires, ne saura lui offrir pour cadre qu’une absence criante d’imaginaire. Pour pallier ce manque et à l’image du récent Deadpool, l’auteur de Pattaya abusera autant que possible de références pop-culturelles aussi transitoires que paresseuses. Là où Michaël Youn réussissait avec Fatal, en 2010, à mettre ces mêmes références au service de son univers pour constituer des ponts entre des points d’ancrages dans le réel (des artistes et des médias reconnaissables) et une fiction nécessitant de la distanciation (des personnages surréalistes), Franck Gastambide les distillera hasardeusement et avec pour seule intention d’aguicher les spectateurs qui auront su reconnaître les parodies du Message à internet de Morsay, de «l’Ile de la Ken» ou d’«Enquête abusive».
Évident final pour un film racoleur, Pattaya tentera de se racheter une conduite à l’occasion de sa conclusion. Le personnage du nain que ses camarades tentaient plus tôt de capturer dans un filet grimpera sur le ring pour un combat de boxe thaïlandaise cadré et monté sans volonté de l’humilier. Dans la continuité, ses compères accepteront même de prendre enfin connaissance de son nom, à quelques minutes du générique. Il serait pourtant naïf de voir en cette séquence autre chose que les inacceptables excuses d’un film aussi menteur qu’il se sera longtemps montré sûr de lui. La bienséante sagesse n’incitera alors qu’à fuir les salles, loin des paradis artificiels de Pattaya et vers de plus nobles destinations.