Avouons-le, le pitch de Le Prix du succès fait un peu penser à un reportage diffusé sur TF1 le samedi après-midi. « Stars du foot, du cinéma, de la scène : qui sont les gens qui les entourent ? Qui se cache dans l’envers du décor ? » L’idée fait un peu frémir, et le film parvient avec une élégance certaine à ne pas être tout ce que son sujet potentiellement racoleur laisse supposer. Il faut pour cela créditer le scénario, co-signé par Teddy Lussi-Modeste et Rebecca Zlotowski, et la réalisation soignée de Lussi-Modeste, dont c’est le deuxième long-métrage après Jimmy Rivière, en 2011. Il y a là une réelle volonté de ne pas faire téléfilm, d’aborder cet univers prompt au clinquant et à la caricature avec humilité et respect. Ce qui tend à faire de Le Prix du succès, sinon un grand film, tout au moins une œuvre tout à fait honorable.
Brahim (Tahar Rahim) est une vedette montante de la scène humoristique. Le jeune comédien est à un tournant de sa carrière et de sa vie personnelle : il doit préparer un nouveau spectacle qui devrait définitivement faire de lui une star et il est très amoureux de sa compagne Linda (Maïwenn), qui met également en scène ses shows. Le problème de Brahim, c’est son frère Mourad (Roschdy Zem), qui se présente comme son manager mais duquel Brahim aimerait se démarquer professionnellement. Là où Brahim est doux, charmeur, posé et mûr, Mourad est grande gueule, agressif, intrusif et incontrôlable. Petit à petit, Mourad va de moins en moins supporter d’être mis à l’écart et les relations entre les deux frères vont se tendre… jusqu’à la rupture.
Presque célèbre
Lussi-Modeste est clairement peu intéressé par la représentation des fastes de la vie des people et beaucoup plus par ce que la fortune et la gloire imposent à des gens issus des quartiers populaires. Brahim sait apprécier sa célébrité et le confort matériel qu’elle lui apporte, pourtant il se sent redevable auprès de sa famille, et en particulier son frère. La caméra s’attache à donner un mouvement aux scènes avec Brahim mais avec douceur, sans hystérie, comme pour montrer que la vie du jeune homme est constamment portée par un double désir : celui d’aller de l’avant et celui de fuir, d’échapper à tout ce qui peut l’entraver, en particulier ce frère tant aimé mais encombrant. La seule qui parvient à le canaliser, c’est Linda, l’amante bienveillante et complice pro, celle qui incarne l’avenir, professionnel et personnel. Dans un rôle a priori plutôt impitoyable (la petite amie) mais écrit avec soin, Maïwenn apporte une grâce et une détermination bienvenues.
Les à‑côtés pompeux de la célébrité, tels que le film les montre, sont plus des sources d’embarras, voire de quiproquos, que de réel plaisir. Teddy Lussi-Modeste les met en scène comme les premiers signes de la fracture qui va définitivement séparer les deux frères. C’est aussi là que Le Prix du succès est le moins convaincant. En caïd des cités trop heureux de s’accrocher aux basques de son cadet, Roschdy Zem fait ce qu’il peut pour faire exister un personnage sans relief, écrasé par des ressorts scénaristiques de plus en plus grossiers qui font basculer le film, dans son dernier quart, dans le thriller grotesque. Le Prix du succès est plus habile lorsqu’il plonge Brahim dans une fête de famille où l’on se rend compte que toute fratrie comporte son lot de personnalités complexes, tour à tour accueillantes et perfides, généreuses et possessives. On aurait aimé que le film développe un peu plus cette veine étonnante, presque bergmanienne, et ne cède pas aux facilités du drame psychologique qui plombe un peu trop souvent le cinéma français.