Derrière le mystérieux Projet X se cache une intention simple, pour ne pas dire simpliste : filmer une énorme fête qui dérape lorsque ses participants se comptent par milliers. Forcément dépassés, quatre losers enregistrent leurs exploits à l’aide d’une caméra numérique : cette seule perspective ne sauve pas Projet X de l’humour facile et d’un discours creux.
« Produit par Todd Philips, le réalisateur de Very Bad Trip » agite l’affiche comme une carotte pour attirer le passant : les honneurs réservés au producteur épousent ici une formule marketing bien pratique, qui permet à un genre de conserver son public d’un film à l’autre. Pas d’égarement possible, donc : Projet X reprend à son compte les contours adoptés par Very Bad Trip, Date limite ou leur homologue de l’écurie Apatow, American Trip. Énième histoire de losers qui deviennent cool grâce à une aventure hors du commun (non, il n’y a pas Michael Cera au générique), Projet X présente vite ses personnages en quelques séquences bien envoyées. Thomas, Costa, JB et Dax, solitaires en chef du lycée, décident d’organiser une petite sauterie afin de soigner leur capital sympathie, si possible en tirant un coup au passage. Heureusement, ou malheureusement, les compères de Thomas mettent les bouchées doubles pour réunir des invités à son anniversaire : ce ne sont pas moins de 2000 personnes qui vont salir la moquette, renverser les cendriers et faire déborder la piscine.
La caméra, portée tant bien que mal par Dax, permet une incursion rapide et facile dans le quotidien des garçons, bientôt bouleversé par une belle pagaille qu’ils s’affairent à organiser. Entre comique de situation et réparties qui claquent, la pré-soirée ne s’annonce pas si mal. Puis, les invités débarquent : en une seconde, la rue est encombrée, tout le monde s’affaire. Y compris Dax, qui ne fait alors que courir d’invités en invités, au risque de n’en saisir que la surface. Vu la tournure que prend la situation, Nima Nourizadeh préfère enchaîner les instantanés, des plans figés sous la lumière crue d’un flash. Le dispositif de la caméra portée ne fait ainsi pas long feu, et disparaît sans raison, à intervalles réguliers. Pourtant, en collant de près la gestion de cette fête où tous les invités se ressemblent, elle la parasitait avec des images inattendues, tels les visages des trois ados creusés par la fatigue, l’alcool et la drogue.
Projet X ne fait pas de mystères et poursuit la perspective de comédie-blockbuster instauré par le producteur : comme pour Very Bad Trip, l’hilarité dépend avant tout de l’énormité des situations, et le film comble les attentes en termes de bouteilles, de cachets d’ecstasy et de voiture immergée. Mais, exception faite de cette démesure de moyens, la capacité de Projet X à entretenir son intérêt est bien faible : ni les prémices d’une histoire d’amour, ni l’irruption d’un dealer forcené ne feront de l’ombre à la soirée elle-même, qui semble tout droit sortie d’une émission MTV. Le personnage le plus intrigant finit par être celui que l’on verra le moins, Dax, qui se livre à une sorte d’ascèse sociale pour assurer la captation du film. Les autres larrons manquent cruellement d’aspérités et d’originalité pour attirer une seconde l’attention. On trouvera bien ça et là une touche de subversion : de l’érotisme adolescent, des ecstasys comme une pluie bénie, mais ce n’est pas suffisant pour sauver un discours naïf et béat sur la génération Y. Si l’hédonisme est largement abordé, c’est au détriment de tout regard critique sur ce rassemblement social qu’est la fête : en simple décor, la situation est vite éclipsée par des morceaux de bravoure très Jackass qui seront fatals à la maison comme au film. Le pire reste sans doute une conclusion qui laisse croire à l’anarchie pour mieux décevoir par son conformisme et sa bienveillance, cachés derrière un mauvais vernis de méchanceté (ici, c’est un nain qui en fait les frais). Au moment du générique, il y a du coup cette désagréable impression d’avoir regardé pendant 1h30 un album photos Facebook d’une soirée à laquelle, surtout, nous n’étions pas invités.