À lire le pitch de Very Bad Trip, on serait tenté d’imputer de suite le film à l’écurie Apatow, spécialiste de la comédie irrévérencieuse, politiquement incorrect, potache, drôle et grasse. S’il est indéniable que le projet – porté par Warner, rien moins – semble devoir beaucoup aux codes de la « nouvelle comédie américaine », Very Bad Trip se permet l’exploration de pistes narratives inédites plutôt bien trouvées et bien traitées. Une excellente surprise.
Doug, beau jeune homme d’une société plutôt sans réels problèmes d’argent, va se marier. Pour son enterrement de vie de garçon, ses meilleurs amis Phil et Stu décident de l’emmener pour une soirée à Las Vegas, une dernière plongée dans la décadence d’une vie de célibataire avant de se voir passer la bague au doigt – et accessoirement le boulet au pied, si l’on en croit le cynique Phil, déjà marié. Flanqués du beauf de Doug, un barbu un brin déconnecté du nom d’Alan, le troupe part pour une soirée sauvage, donc. Soirée dont aucun d’entre eux ne se souviendra, le lendemain, lorsqu’ils se retrouveront dans un appartement en forme de champ de ruines, sans le moindre souvenir de la soirée précédente… et sans se souvenir d’où est passé le marié.
Very Bad Trip (titre idiot d’un film dont le titre original, The Hangover, signifie « la gueule de bois ») est donc un film à procédé, reposant réellement sur un unique gag, un unique procédé stylistique : la découverte, par des protagonistes médusés, des agapes surréalistes de la nuit passée, selon une grammaire cinématographique plus proche de celle du polar que de la comédie. C’est, évidemment, très efficace, d’autant qu’il s’agit pour le réalisateur d’emmener le spectateur sur les pas de ses protagonistes, de se trouver tout aussi éberlué – mais sans avoir jamais à partager les responsabilités auxquelles devront faire face les personnages. Car que l’on ne se trompe pas, la responsabilité est finalement le thème central du film – et pas seulement dans le sens où ils doivent faire face aux conséquences dans leurs actes.
Very Bad Trip joue donc sur les deux tableaux : comment ces trentenaires un tantinet irresponsables vont-ils se sortir de la situation passablement surréaliste qui est la leur, et quel va être leur chemin pour y parvenir. Ce qui fait toute l’efficacité du film est de savoir doser ces deux questions, les alterner pour ne jamais perdre le rythme de la comédie – le plus souvent, c’est parfaitement réussi. Le plus souvent car évidemment, Very Bad Trip possède également son lot de scènes ratées – la séquence très Saturday Night Live chez les flics, ou la parodie des films de mafieux notamment. Mais cela n’empêche pas le film de soutenir le rythme des révélations drolatiques, et surtout de finir par construire des personnages qui sont un petit peu plus que des supports de gag à la personnalité tout juste esquissée.
Very Bad Trip n’est donc pas seulement la course de trois mâles idiots fuyant les responsabilités de l’âge adulte pour retrouver un quatrième larron, c’est également un portrait plutôt juste de trentenaires un peu perdus dans une société qui les presse de rentrer dans le rang – sans qu’ils aient pour cela eu le temps de choisir comment ils allaient y entrer. Plus que du mariage, c’est donc du divorce qu’il est réellement question dans Very Bad Trip : comment un homme marié joue la pose du misogyne pour être finalement un père plutôt attentionné, comment un autre décide finalement de tourner le dos à une relation attendue pour tenter l’aventure – quelles libertés, finalement, il faut savoir prendre avec la pression imposée par la société pour réussir son union. L’humour potache US s’est vu, avec les comédies de l’école Apatow, (ré-)ouvrir les portes d’un politiquement incorrect intellectuellement stimulant. Very Bad Trip, moins provocateur, n’est demeure pas moins aussi digne d’intérêt, et finalement assez proche des road-movies – auxquels il emprunte forcément son esthétique – dans le domaine du questionnement sociologique. Drôle, méchant, et mature : comme quoi tout arrive.