Premier film de la réalisatrice Coralie Fargeat, Revenge se présente comme une promesse de cinéphile amateur de cinéma bis : celui d’un pur plaisir coupable, gonflé à la testostérone, inscrit directement dans le genre du rape and revenge dont il emprunte une partie du nom. Ce sous-genre du cinéma d’exploitation, spectaculaire à peu de frais, vite tourné et vite vu, attirait les amateurs d’images fortes, avides de sexe et d’hémoglobine et a fait les belles années de la série B américaine, italienne et japonaise des années 1970. D’une certaine manière, Revenge respecte totalement ce cahier des charges, sans parvenir vraiment à le dépasser et à en éviter les principaux défauts.
Une femme, trois hommes, une villa
La simplicité du scénario réduit l’histoire à un pur programme et invite le film à se concentrer sur l’action : un homme amène sa maîtresse en week-end dans une villa de luxe au milieu d’un désert. Il y est rejoint par deux associés pour une partie de chasse. Aguichés par la donzelle, ils la violent avant de décider de l’éliminer devant les proportions que prend l’affaire. Laissée pour morte dans le désert, elle survit miraculeusement et décide de se venger en les tuant un par un.
Évidemment, en 2018, ce genre de proposition réactive à la fois la carte du thriller populaire et celle du nanard « méta », en s’inscrivant quelque part entre l’héritage d’un Quentin Tarantino (que le genre rape and revenge a déjà inspiré dans Kill Bill) et le gore plus premier degré d’un Eli Roth. En réalité, Revenge s’avère bien plus proche des films d’origine dont il serait une sorte de reprise haute définition, que des descendants de Tarantino. La métaphore féministe du film, inscrite en germe dans le genre (la reprise de pouvoir de la femme sur l’homme), s’efface vite face à la simplicité du spectacle qui est proposé.
Le premier quart du film, qui montre l’arrivée dans les lieux et installe Jen en objet de désir sursexualisé, est sans doute le plus efficace, avec son montage très court et sa photographie très contrastée : l’imagerie publicitaire convient parfaitement à l’entreprise de séduction qui s’installe entre Jen et Richard, à force de gros plans sur les fesses de l’une, sur le torse de l’autre. Évidemment, l’arrivée impromptue des deux comparses de Richard les amène à se laisser séduire et à convoiter Jen à la façon des loubards des Chiens de paille. Dès lors, le film bascule dans une chasse à l’homme inversée nettement moins convaincante.
Viande sous cellophane
Aspirée par son imagerie aguicheuse, la réalisatrice semble oublier d’accompagner l’identification du spectateur à Jen, dont on se saura rien et qui restera durant tout le film une icône fessue et décérébrée. Pire, le scénario prend des voies incertaines lorsqu’il s’agit de faire revivre miraculeusement son héroïne, insinuant après une demi-heure de film une dimension quasi fantastique à laquelle le film ne nous avait pas préparé. Dès lors, Revenge manque paradoxalement de tension d’ensemble, laissant le spectateur à distance d’événements écrits d’avance et dont on pressent qu’ils ne fonctionnent que sur un principe de surenchère.
Pour autant, le film ne manque pas d’un certain humour. Le caractère grotesque des deux comparses, notamment Vincent Colombe (Stan), au croisement de John Turturro et Cyril Hanouna, est réjouissant et contraste avec la froideur apollinienne de Richard. Le jeu de massacre orchestré par Coralie Fargeat a de quoi faire sourire par son outrance et son caractère ponctuellement ironique. Le bain de sang est de plus en plus littéral, la dernière scène jouant de la saturation progressive de l’espace par des gerbes d’hémoglobine, tandis que défilent dans un coin de l’écran une émission de téléachat et des images de course automobile. À cet instant du film, lorsque le bellâtre se balade nu et armé, pansant ses plaies dans un papier plastique, ne reste qu’un pur plaisir graphique, celui de voir des corps s’exposer totalement, dans une violence brute et décomplexée.