Finalement, malgré ses airs de déjà-vu un peu mollasson (l’histoire d’un vieux croûton qu’un intrus, robot ou autre, vient dérider), Robot and Frank a quelques jolies choses à proposer : de bons moments d’humour, une approche originale du vieillissement (et du rapport de crainte/perplexité vis à vis d’un monde devenu étranger), et surtout quelque chose de l’ordre de l’acceptation de l’aliénation. Plus précisément, si Jake Schreier tire du thème du robot des pistes très disparates et confuses, il réussit le mieux quand il choisit de faire de son film un agréable glissement vers la folie. Le robot (qui n’aura jamais de nom) n’est pas le moins du monde humanisé, mais Frank, bon gré mal gré, trouve son compte dans ce qu’il projette sur ce compagnon : une amitié, un dynamisme, et même, dans une scène très ambivalente, une forme d’intimité. Au contraire, dès que Schreier tente de prêter à son robot des attributs humains et d’en faire un énième A.I., il s’écrase : c’est convenu, cela n’interroge rien, ce n’est pas intéressant. Questionner la robotique parce qu’on est en présence d’un robot, c’est presque machinal – puisque au fond, Robot and Frank est plus volontiers un film sur la mémoire et sur sa matière, son fonctionnement – et jusqu’à en devenir tarte à la crème.
Premier long métrage d’un diplômé de la très prestigieuse NYU, rompu à la publicité et au clip, Robot and Frank est hélas cloué au sol par ses effets de style. Sa brillance solaire HD, ses ponctuations orchestrales, ses plans de coupes maladroitement esthétisés, lui sapent régulièrement son originalité. Pire : ils empêchent l’envol. La narration est clouée au sol, rabotée par les réflexes publicitaires de son metteur en scène. Le décor génère son lot de « séquences en kit », comme s’il n’était pas possible de faire un film en forêt sans y forcer l’entrée de vingt minutes de promenades champêtres avec rayons lumineux matinaux poignant à travers les pins. Il faudra faire avec ce frein. De façon générale, Robot and Frank cache mal son manque de moyens (même s’il ne semble pas du tout l’assumer). Son casting se compte sur les doigts de la main, ses effets spéciaux cohabitent difficilement avec son décor réel, et surtout son écriture a tout l’air d’avoir été rapidement expédiée : avancée confuse de l’intrigue et des enjeux, personnages brossés sans finesse, twist sorti du chapeau…
Au milieu de ces quelques maladresses, le subtil décalage temporel proposé au départ (« dans un avenir proche…») n’est pas anodin, et n’est pas non plus une condition bébête au léger progrès technologique sur lequel s’appuie le film. D’abord, c’est une localisation originale dans le temps, où le monde à découvrir se dose entre familiarité et étrangeté : même si, encore une fois, les effets spéciaux s’incrustent de façon assez inconfortables dans le décor, on ressent déjà l’impression d’un univers voisin, à peine translaté, mais suffisamment pour ne plus être le nôtre – et pour qu’on ne s’y sente plus chez nous. Par cet écart délicat, notre proximité à Frank est revisitée : nous découvrons tout comme lui, nous vivons son retard. C’est une des petites douceurs que propose Robot and Frank, malgré sa mollesse générale.