C’est l’histoire de deux femmes à qui il arrive plein de choses bizarres dans la même journée. Michal, artiste contemporaine israélienne, est dans un état second. Elle a acheté un nouveau lit à monter soi-même, mais auquel il manque une vis. Hantée par cette anomalie, elle doit faire face, d’un incident plus ou moins cocasse à l’autre, à l’impasse de sa propre vie. Quant à Nadine, jeune ouvrière palestinienne, elle a plein de vis dans ses poches, avec laquelle elle joue au Petit Poucet chaque jour quand elle passe le check-point pour aller au travail. Elle aimerait bien avoir un enfant, elle vit un peu dans son monde, ce qui agace les gardes au check-point, mais qui a le mérite de la tenir à distance des recruteurs de kamikazes. À l’arrivée, cela fait beaucoup de circonvolutions scénaristiques, de correspondances calculées entre les personnages, de parti-pris arbitraires, pour obtenir ce que recherche la réalisatrice Shira Geffen (Les Méduses) : une enfilade de scènes distillant l’absurde, l’étrange, le burlesque et même un peu de poésie, la mise en scène s’appesantissant même lourdement (blancs dans les conversations, cadrages à la raideur affectée) pour bien indiquer à quel point tout cela est absurde, étrange, etc. et surtout comment elle le contemple avec minutie.
Préfabriqué
Soit un récit qui intrigue dans de trop rares moments quand il semble lâcher franchement les amarres de la normalité (comme cette scène où l’on joue de la musique dans une baignoire pour attendrir des crabes à cuisiner !). Le plus souvent, il irrite en se montrant incapable de sublimer la lourde banalité du sens qu’il confère à ses petits bouts de fable (l’absurdité de la vie, la vanité de l’art contemporain, l’instinct maternel, la relation Israël-Palestine, etc.), et encore moins de dissimuler son autosatisfaction à jouer avec si peu de chose. Et le tour de passe-passe dégainé à mi-film et qui promettait de redistribuer les cartes (les deux femmes échangent leurs identités sans que personne y trouve à redire) ne change hélas absolument rien à l’affaire. Impossible de se laisser porter par l’étrange, interpeller par l’absurde ou toucher par le burlesque quand tout se veut si signifiant, si bien réglé, et en même temps ne s’adresse finalement qu’au désir de bien faire de l’auteur. Self Made ressemble à ces meubles dont la maison de Michal se voit envahie, produits du Conforama local : préfabriqué et en kit, designé à l’équerre, mais à la personnalité et l’originalité toutes factices.