Le cinéma français n’est décidément pas le seul à se regarder le nombril de trop près : tentant mollement de détourner des topoï de la comédie romantique américaine, Sexe entre amis aligne les clichés socio-culturels et, par une platitude narrative éhontée, entre ainsi dans l’immense masse des films très mineurs qui ternissent encore un peu plus le blason de la romance.
Le thème a été vu cent fois, que dis-je, mille fois. Ils sont meilleurs amis, mais peut-être (le suspense est intolérable) que l’amour poindra le bout de son nez. Sexe entre amis fait partie de ces films de décors, de définition pure, qui ne prêtent attention ni à leurs personnages, ni à leur intrigues, mais simplement à leur apparat. Un temps réalisateur de teen movies, Will Gluck a grandi : il s’adresse maintenant aux trentenaires confortables. Il n’est pas de plus désagréable sensation au cinéma que celle d’être considéré comme un représentant socio-culturel. Will Gluck ne passionne pas, n’émeut pas, il vend. Il vend un mode de vie, une classe d’âge, une ville, et, pour faire passer la pilule, une amourette sans grande profondeur et sans grande originalité. Même les pointes d’humour font office de témoins, de points de reconnaissance, laissées au hasard pour maintenir en vie le spectateur, pardon, le consommateur.
La séquence d’ouverture est, en ce sens, on ne peut plus publicitaire : la musique est rythmée, le montage est rapide, les blagues sur Clooney ou Heigl fusent ; on use et abuse de subterfuges pour emballer le produit. L’originalité extraordinaire du film est d’ouvrir sur une rupture : et, déjà, rien ne passe au travers de l’écran. Ni l’humour d’un Cukor qui introduisait ses Indiscrétions par un duel Hepburn/Grant, ni la moindre émotion. Tout est plat, parce que l’écriture reste toujours secondaire dans la production de ce genre d’ersatz de rêverie romantique. Elle est masquée par des tics volontaires et martelés : Justin Timberlake est à l’image de cette acclimatation culturelle. Il a troqué depuis quelques années ses costumes de scène contre des costumes de yuppie : chemise repassée, lunettes branchouilles et cravates négligemment nouées forment son décor. Il est blogueur, il est riche, il aime les bars lounge, il vit dans un loft (qui semble être devenu le seul espace de la comédie trentenaire) il fait du basket, il a réussi.
Pourtant, derrière la gigantesque prétention de croire que son film va sortir du moule en moquant ses prédécesseurs, Will Gluck cache, à peine, un vide culturel et social abyssal : de la relation amoureuse, on ne verra que les étapes les plus clichées (la rencontre, l’amitié, le sexe, l’amour) ; les protagonistes comme les seconds rôles n’existent que par leur définition stéréotypique (lui a des biscotos et des problèmes avec son papa, elle a un superbe derrière et des problèmes avec sa maman… tiens, il faut aussi un gay, on en aura un). Et le sexe dans tout cela, puisqu’il s’agit bien de cela au départ ? Rien. Surtout ne pas filmer ce qui pourrait hérisser le poil du spectateur lambda, et surtout éviter soigneusement toute référence à la moindre parcelle de culture : faussement décalé, faussement ironique, faussement romantique, Sexe entre amis n’est qu’une histoire de poses. Pour le réalisateur, la modernité consiste à faire de son héros mâle un génie du web advertising, le romantisme à boire de la bière devant la télévision. Vanité des vanités, tout n’est que vanité et poursuite du vent…