Dans son troisième long-métrage, Monia Chokri explore les ambivalences du sentiment amoureux, ce que résume la complémentarité entre les titres français (Simple comme Sylvain) et international (The Nature of Love) : d’abord placé sous le signe de la « simplicité », le désir qui unit les personnages ne cesse d’être redéfini de scène en scène lors d’intermèdes philosophiques visant à circonscrire une définition précise de l’amour. Car si Sylvain (Pierre-Yves Cardinal) est simple aux yeux de Sophia (Magalie Lépine-Blondeau), c’est d’abord parce que leur relation naissante est essentiellement basée sur une complicité érotique dont le naturel tranche avec le couple bienveillant mais rouillé qu’elle forme avec Xavier (Francis-William Rhéaume). Mais Sylvain est également « simple » par son origine sociale, plus modeste que celle de Sophia : il est charpentier, quand elle est universitaire. Aussi représente-t-il pour elle un fantasme aussi bien physique (« Je n’ai jamais vu quelqu’un d’aussi beau ! ») que sociologique : les dialogues trahissent une naïveté profondément bourgeoise à l’œuvre dans le désir d’un retour à « l’essentiel » que permettrait la fréquentation d’un homme « simple comme Sylvain ». La première moitié du film s’applique à capter les étincelles comiques et sensuelles suscitées par cette rencontre : dans ses meilleurs moments, le film parvient ainsi à épouser l’énergie virevoltante qui circule entre les amants et rayonne autour d’eux. Les scènes de sexe comptent parmi les plus réussies : se focalisant essentiellement sur les visages, elles figurent l’amour charnel comme un cercle vertueux où le plaisir observé chez l’autre nourrit celui qu’on éprouve soi-même.
Les choses se compliquent pourtant dès que le film bascule vers sa seconde partie, une fois la relation officialisée. L’exotisme de classe cède alors la place au motif attendu des rapports de domination, traités essentiellement par le prisme du capital culturel. Le récit peine à dépeindre le malaise de Sophia puis de Sylvain lorsqu’ils rencontrent la famille de leur conjoint, chacune d’entre elles étant uniquement mises en scène comme de simples échantillons sociologiques. Chokri fait certes preuve d’une certaine précision dans les dialogues, où la violence symbolique, souvent pavée des meilleures intentions, semble relever de dispositions intériorisées (ainsi quand Sophia assure que le lexique de Sylvain lui importe peu, mais qu’elle souhaite l’aider à « élargir son monde »). Hélas, l’écriture s’assèche pour répéter en boucle les mêmes effets (tels les fréquents zooms et changements de focales). Quand bien même le film fait preuve d’une certaine cruauté sociologique lors de sa conclusion, son manque de rigueur général ne parvient pas à atténuer ses défauts.