Avoir grandi dans les années 1980, au milieu des rayons de vidéos aux pitchs et aux scénarii tous plus idiots et racoleurs les uns que les autres, donne une certaine propension à l’ironie cinématographique, et un respect pour ces tâcherons d’un cinéma sincèrement populaire. Stay Alive tient de ces illustres ancêtres dans le côté ringard assumé mais, contrairement à eux, fait mine de se prendre au sérieux. Résultat : consternant.
Voici donc le pitch de la chose, « à la manière de » : Hutch, October, Swink et Phineus ne vivent que pour le jeu vidéo. À la mort de trois de leurs amis dans de mystérieuses circonstances, ils décident, accompagnés de la jeune photographe Abigail, de reprendre le jeu inédit auquel s’adonnaient les trois amis. Alors qu’ils sont aspirés dans le jeu, ils comprennent vraiment ce que signifie son titre : « Stay alive ».
Évidemment, ça n’a pas l’improbable talent grandiloquent des Invasions des morts-vivants surfeurs de Californie d’antan, mais l’essentiel est là : nous sommes dans le Z le plus total, sortez le pop-corn beurré et les chips. Hélas. Le réalisateur et les producteurs prennent leur film parfaitement au sérieux. Rangez les chips, voici venir les caricaturaux protagonistes, tous convaincus de camper des personnages dignes des Oscars. Le réalisateur les définit comme « un groupe de jeunes intelligents, drôles et sensibles ». Une bimbo, un geek, un jeune premier, une goth, un autre geek (punk, celui-là), un golden-boy : voilà pour le club des six, et ce n’est pas le dernier des poncifs du scary à la noix repris dans le film.
Convaincus d’avoir ouvert la voix au film-de-jeu-vidéo, les producteurs disent chercher l’authentique, le vraisemblable. Les voilà donc qui collent la tombe de la comtesse Elisabeth Bathory – qui possède le jeu vidéo afin d’assurer sa résurrection (ne demandez pas pourquoi) – en plein milieu d’un cimetière reclus de la Nouvelle-Orléans, pour faire plus Anne Rice. Et de légitimer leur série Z en parlant du jeu vidéo comme d’un élément sociologique majeur, ce qu’il est certainement. Mais n’est pas Avalon qui veut, et Stay Alive assoit son spectateur entre le fou rire et l’ennui poli. Modestement, le dossier de presse cite l’auteur J.-C. Herz dans son ouvrage Joystick Nation : « Si Orson Welles tournait aujourd’hui Citizen Kane, il ne ferait pas soupirer “Rosebud” à Kane mourant mais… “Mario”!»
Nous voilà prévenus : figure de proue autoproclamée de la reconnaissance cinématographique des jeux vidéo, Stay Alive ne se veut rien moins que le nouveau Citizen Kane. Et en plus, il est en couleur, ce qui est tout de même mieux. Le choix sera donc celui-ci : prendre en marche le train de la révolution Stay Alive, ou rester chez soi ou dans son ciné de quartier, à voir un Welles ou un Oshii. Personnellement, j’assume mon passéisme.