Depuis que la comédie américaine a osé s’intéresser à la question du sexe des ados de chez l’Oncle Sam avec American Pie, le thème a été réutilisé à l’envi, à tel point que l’on a voulu voir dans des films tels que Wedding Crashers et autres 40 ans, toujours puceau (dont le réalisateur est ici producteur) des films gentiment, mais réellement, subversifs. SuperGrave pousse encore plus loin, en affichant la vulgarité de ses prétentions en étendard. Peine perdue : le film n’est rien qu’un teenage-movie moraliste.
Seth, Evan et Fogell sont amis. Ils sont notamment liés les uns aux autres par le fait qu’ils sont très loin de pouvoir prétendre à un concours de beauté, et qu’ils ont décidé que cette fin d’année les verrait coucher avec une fille. De préférence celles qu’ils ont choisies, mais finalement n’importe laquelle fera l’affaire. Lorsque Fogell parvient à se payer une fausse carte d’identité prouvant qu’il est en âge d’acheter de l’alcool, nos trois amis voient la lumière au bout du tunnel : il leur suffira de saouler les élues de leurs cœurs (enfin, leurs cœurs…) pour pouvoir coucher une bonne fois avec, à la soirée de fin d’année du lycée. Mais, évidemment, rien ne se passe comme prévu.
« On veut du cul ! », clame haut et fort nos trois amis sur l’affiche du film – en rajoutant en tout petit en dessous « mais c’est pas gagné ». Tout SuperGrave est contenu dans ce slogan : une paillardise musclée et revendiquée avec force, jusqu’au moment où on y regarde de plus près, pour voir que le film fait à peu près tout pour adoucir la grossièreté de son propos par une gentille petite morale familiale. On est bien loin ici du trash à la John Waters ou Russ Meyer, réalisateurs qui n’ont jamais tenté de mettre de l’eau dans leur vin – quoi qu’on dise des derniers films de Waters.
La différence tient aussi au fait que Waters et Meyer sont effectivement des réalisateurs, et non de simples portes-caméras désireux d’illustrer sans la moindre prétention cinématographique un catalogue de gag. Greg Mottola, ici à l’œuvre, semble se rendre compte avec une certaine lucidité que son boulot est purement alimentaire, et cadre gentiment ses trois adolescents priapiques dans leurs pérégrinations, sans vraiment de rythme : du pur produit de consommation pour soirée DVD-pizza, et rien de plus. Quant aux acteurs principaux, Jonah Hill, Michael Cera et Christopher Mintz-Plasse, transfuges de la série télé pour deux d’entre eux, ils alignent les performances comiques avec un jeu placide et juste suffisant à remplir le cahier des charges d’une comédie adolescente. Pourquoi en faire plus lorsque la réputation du film et une campagne de pub suffisamment maligne a fait tout le boulot ?
Car tout est affaire de communication, pour SuperGrave. Surfer sur la vague d’un comique graveleux et irrévérencieux assurera probablement au film un succès commercial suffisant, et c’est probablement son seul but. Aucune prise de risque, aucun subtilité sociologique n’est à rechercher dans cet avatar d’American Pie. Pire encore, c’est finalement le contraire qui se produit, puisque la morale du film reste totalement sauve : ces dévergondés de teenagers américains verront finalement la lumière de la morale, et se rendront compte que finalement, rien de ce qui vaut la peine d’être conquis chez l’autre ne peut l’être sans effort. SuperGrave eut il été au fond de ses prétentions paillardes, avec une véritable ironie mordante, alors le comique plutôt efficace du film aurait eu un autre goût que celui de réchauffé. Mais en l’état, SuperGrave reste une gentillette comédie sage, morale, et faussement grossière, et rien de plus.