Dawn (Jess Weixler, jolie révélation qui a décroché un prix d’interprétation à Sundance pour ce rôle) est une adolescente américaine fraîche comme une fleur, très attachée à sa pureté virginale qu’elle défend farouchement en donnant des conférences dans son lycée afin de promouvoir les vertus de l’abstinence avant le mariage. Bien qu’elle soit plus ou moins la risée de tous, notamment de son demi-frère par alliance qui rêve de la mettre dans son lit, Dawn tombe amoureuse d’un jeune homme bien sous tous rapports. En apparence, seulement : de plus en plus pressant, le bellâtre va découvrir, à ses dépens, le secret de Dawn : une dentition acérée dissimulée dans son vagin. Passablement traumatisée, la jeune fille va progressivement faire de ce handicap une arme redoutable.
Mitchell Lichtenstein, dont c’est le premier long métrage, réussit malgré quelques maladresses à installer une ambiance étrange en jouant habilement sur la montée de l’angoisse. Le spectateur, complice, sait parfaitement quel est le secret de Dawn, avant même que celle-ci ne comprenne véritablement ce qui lui arrive : la première partie du film joue donc avec malice sur l’attente d’un climax horrifique (la première victime du vagin carnassier) que l’on pressent avec une curiosité voyeuriste relativement inconfortable. Dans ses meilleurs moments, Teeth évoque le malaise adolescent de Carrie (toutes proportions gardées), particulièrement dans sa manière de mettre en scène la peur panique que provoque chez une adolescente la découverte des secrets de son intimité. Poussée à son paroxysme, la métaphore se révèle réellement traumatisante, notamment lors d’une scène chez un gynécologue qui rappelle celle des premières règles de Carrie dans le film de De Palma, tout en soulignant à quel point un tel examen de santé, aussi indispensable soit-il, n’est jamais une sinécure pour celle qui le subit.
Teeth serait donc une belle réussite si Mitchell Lichtenstein ne s’était pas senti obligé de parsemer son film d’un humour au mieux potache, au pire carrément lourdingue qui, c’est bien dommage, va crescendo à mesure que le film avance. C’est comme si le réalisateur n’assumait pas le potentiel purement horrifique de son film, et encore moins son sous-texte dramatique (la crainte de l’adolescent de ne pas être conforme). De son postulat de base (une ado coincée va se transformer en coupeuse de quéquettes vengeresse), Lichtenstein ne retient que le grotesque, évacuant progressivement tout contenu sociologique, voire politique, pour ne retenir que le graveleux. On frémit d’horreur au premier kiki sectionné, on sourit au second mais au troisième, Teeth n’est déjà plus qu’un grotesque teen-movie vaguement gore dominé par une bande son heavy-metal et des comédiens approximatifs – mention spéciale au demi-frère sorti tout droit de Beavis & Butt-Head, incarné par le jeune John Hensley, de la série Nip/Tuck. La dernière scène souligne la mutation définitive de l’héroïne, bien partie pour régler leur compte aux vieux cons libidineux. Il aurait fallu la verve d’un Tarantino alliée à la délicieuse étrangeté de Cronenberg pour faire de Teeth un film outrageusement punk au féminisme trash. Mitchell Lichtenstein, lui, se contente de la fade ironie autosatisfaite qui a contaminé depuis belle lurette la majeure partie des comédies indés américaines.