Quand il n’est pas occupé à s’acheter – sans beaucoup de succès – une légitimité d’acteur chez Tim Burton ou Martin Scorsese, Sacha Baron Cohen est un garçon amusant. Déterminé à faire sauter tous les compteurs de la bienséance, l’auteur-interprète de Borat et de Brüno n’a pourtant pas, jusqu’à maintenant, brillé par la finesse de son discours ironique, ni par sa subtilité sous-jacente. Malgré une campagne de promotion tout à fait réjouissante – « Bravo pour ta victoire sur un nain », adressa-t-il à François Hollande au lendemain de son élection sous les traits de son Dictator –, ce n’est certainement pas ce nouveau film qui va élever son créateur au rang d’un John Waters.
Pourtant, rendons au bonhomme ce qui lui est dû : il fait montre d’une audace bienvenue dans le choix de ses sujets, qui sont toujours prompts à souligner les hypocrisies de leurs époques. Ici, il s’agit donc de capitaliser sur les révolutions arabes et sur la – bien tardive – prise de conscience occidentale des exactions des dirigeants. Le sujet lui-même, donc, apporte la polémique, et Sacha Baron Cohen, flanqué de son compère Larry Charles, semblent s’en contenter. Une fois le postulat posé, et la campagne de promotion assurée, le film se fait, semble-t-il, tout seul.
Disons, plus justement, que ses entrées se font toutes seules : il suffit donc d’appâter suffisamment, nul n’est besoin de tenir les promesses au-delà de l’achat du billet d’entrée. La satire version Sacha Baron Cohen fonctionne fort bien lorsqu’il s’agit, comme pour l’extrait précité à l’intention de François Hollande, d’un moment bien choisi et d’un rythme rapide et efficace. Évidemment, sur un format long, avec une nécessité de soutenir le rythme comique – voire le simple rythme narratif – c’est tout de suite un peu plus compliqué.
Plus simplement, le diagnostic, à la vision de The Dictator est sans appel : Sacha Baron Cohen est avant tout un amuseur de la génération YouTube – efficace dans sa récupération du buzz, avec un sens du burlesque rapide. Ce qui fait que The Dictator va bien vite rejoindre la cohorte des « films de comiques », où s’accumulent les scénettes amusantes, probablement vouées à devenir « cultes » pour certaines, mais qui manquent de réflexion un peu plus profonde, d’une véritable ironie qui, en bonne remise en cause de son sujet qui soulignerait ses travers, pour élargir considérablement le champ d’influence d’un film. En résumé, qui assurerait son rapport au monde et à la société.
Ce qui ôte, finalement, toute force à The Dictator : il devient alors sans importance que Sacha Baron Cohen ait décidé de flinguer les potentats démocratiques, à ses yeux aussi coupables et manipulateurs qu’une quelconque dictature, voire qu’il ait décidé de souligner la faiblesse morale des militants des droits de l’homme occidentaux. Ces intentions, non soutenues par un discours véritablement impliqué, restent lettres mortes – la neutralité de son burlesque (par ailleurs tout à fait efficace) les dessert même, se contentant d’un rire facile, sans enjeu autre que la gratification immédiate.
Voilà donc Sacha Baron Cohen, le drapeau noir au vent, jetant à la face de son auditoire qu’il est manipulé, trompé et berné par ses gouvernements comme peuvent l’être les peuples qui subissent un joug officiellement dictatorial. Son incapacité à politiser son discours, à se montrer un tant soit peu impliqué, montre bien que l’amuseur public n’est peut-être – et, qui sait, à son insu ? – qu’un énième instrument de la machine médiatique qu’il se plaît à brocarder.