Tina est heureuse. Pas pour longtemps. Son mari adoré meurt dans un accident de voiture. La pauvre se retrouve seule avec son désespoir, ses enfants et un frère qui tente de l’aider comme il le peut. Lors d’une soirée, Franck (l’ami beau gosse du frère de Tina) aperçoit la silhouette de la belle : c’en est fini de la vie décousue, des histoires sans lendemain, il consacrera sa vie à lui faire retrouver le sourire. Rien de tel pour cela qu’une petite escapade dans les îles ! Il y a le ciel, le soleil, la mer… et peu d’inspiration pour une comédie sentimentale qui ne transmet rien.
Revenons à nos moutons : Franck est dans le TGV, il arrive en gare d’Arles, comme si la ville provençale possédait une gare TGV. Mais passons. Il retrouve son frère, disquaire, et rencontre Tina, belle et touchante. Cette dernière, veuve depuis huit mois, ne peut plus accepter de désir, se condamnant elle-même à la vie morne et sans saveur des inconsolables. Son deuil est synonyme d’autodestruction, de refus de l’autre et donc d’impossibilité du désir, notamment sensuel. En dépression chronique, elle accepte pourtant l’idée d’un voyage à Bali, proposé par le beau ténébreux, gravure de mode de fin de siècle, toujours affublé des baskets et des pantalons dernier cri. À croire qu’elle a les yeux revolver et que le noir lui va vraiment bien. Elle ne vit plus que pour et par le souvenir. Il ne vit plus que pour elle. Et cela s’arrête là, malheureusement.
Le thème du deuil est, bien entendu, galvaudé comme celui des amours impossibles. Celui de la renaissance de la capacité d’aimer l’était un peu moins. Mais la stratégie de l’attente de Marc Esposito finit par lasser. On comprend qu’ils vont s’aimer… mais quand ? Le premier refus est normal, digne de toute femme respectueuse des conventions et malheureuse par-dessus le marché ; le deuxième semble plus agaçant. À la longue, une chanson nous revient en mémoire : il l’appelle mais elle n’entend pas. Il ne voit qu’elle, mais elle ne le voit pas. Que faire alors ? Filmer de beaux paysages, des palmiers, des maisons en pleine forêt tropicale, des marchés d’épices et de bouddhas. Entre-temps, on ne nous épargne aucun rebondissement : un voyage à Bali donc, où Tina retrouve la joie de vivre (en versant quelques larmes de temps en temps tout de même) tandis que l’amoureux éconduit échafaude des plans pour conquérir la convalescente. Mais le scénario reste très démonstratif : Tina est en deuil, elle pleure, toujours vêtue de noir. Franck est amoureux et donc discret, attentionné, parfait gentleman ; il lui achète plein de cadeaux, mais l’amour ne s’achète pas, apparemment. Comme rien n’est simple dans cette chienne de vie, elle s’interdit longtemps tout débordement d’affection. Comme tout est écrit d’avance, il semble difficile dès le départ de penser qu’elle va lui résister plus d’une heure et demie.
Le titre résume bien le film : Marc Esposito a voulu montrer que la beauté du monde, qu’elle se trouve dans les rues arlésiennes, dans les forêts balinaises ou le cœur des humains, rapproche les êtres, les transcendent en quelque sorte. Sauf que cette beauté semble un tantinet vide. Zoé Félix pleure un peu faussement, crie parfois, joue les dépressives sans falbalas, sans vérité non plus, alors que Marc Lavoine se contente bien souvent du bleu aquatique de ses yeux et des petites mimiques du séducteur. Les dialogues nous offrent un magnifique florilège de phrases grandiloquentes dites sur le ton des drames les plus profonds : « Je ne m’attendais pas à une émotion pareille » s’exclame Zoé Félix devant les splendeurs de Bali. On s’attendait à plus d’émotion de notre côté. Derrière la caméra se trouve un homme qui aime ses acteurs et son décor, mais ne parvient pas à donner aux uns et aux autres une consistance réelle. On attend patiemment que le fil se déroule.
Bali est, certes, un beau lieu. Ses plages, ses routes, son exotisme. On regarde avec avidité les paysages défiler, en se disant qu’on ira un jour, et qu’on aurait pu se passer d’un film aussi plat, qui ressemble plus à un documentaire dont la voix off pousserait à la plus grande violence sur la télévision qu’à une histoire d’amour de fin de semaine.