Zingarina arrive en Transylvanie pour rechercher l’homme qu’elle aime, Milan. Clandestin, celui-ci a dû fuir la France et n’a plus donné de nouvelles. On pense, au début, que le film sera l’histoire de cette recherche de l’être perdu. Mais Tony Gatlif a décidé d’explorer d’autres pistes. Il fait subir à son héroïne une épreuve pour mieux mettre en valeur son courage et son appétit de vie. Le tout baignant dans des couleurs chatoyantes et des partitions musicales qui ne le sont pas moins. Transylvania est surtout un très beau portrait de femme, qui vaut par l’interprétation à la fois tourmentée et généreuse d’Asia Argento. Elle incarne parfaitement la vitalité et l’humanité chères à Tony Gatlif.
Qu’on le considère comme un film sur l’amour ou sur la quête de repères, Transylvania est en tout cas un film sur un voyage, réel ou figuré, qui est souvent le point de départ des films de Tony Gatlif (voir Gadjo Dilo ou Exils). Le véritable enjeu du film sera ici le périple de Zingarina en Transylvanie. En effet, Milan est parti volontairement et ne veut plus revoir Zingarina. C’est une autre recherche qui prend alors le relais, Gatlif suivant le parcours d’une femme qui doit se reconstruire et qui ne peut pas sombrer, car elle porte un enfant.
Asia Argento habite littéralement le personnage de Zingarina et lui offre toutes les nuances d’une femme tour à tour angoissée, détruite, puis combattive et apaisée. Au lieu de rentrer dans son pays pour tenter de retrouver ses repères, elle choisit de tout quitter et de vivre l’aventure sur les routes de Transylvanie. Si Zingarina est au centre du récit, n’oublions pourtant pas de préciser que c’est aussi dans sa relation avec les autres que Zingarina va se retrouver. Amira Casar en amie un peu possessive qui ne pourra que constater son départ, ou encore Birol Ünel, solitaire découvrant les sentiments amoureux, sont étonnants de justesse et sont essentiels au parcours de l’héroïne.
Tony Gatlif livre ici un magnifique portrait de femme et, pour mieux la comprendre, la suit jusque dans sa subjectivité. Ce sont par exemple les voix des autres personnages qui s’estompent, faisant le vide autour d’elle. C’est aussi une scène dans laquelle elle court dans la forêt en poussant des cris déchirants. Plus rien d’autre n’existe alors que sa douleur. L’évolution du personnage est passionnante. Les différents états qu’elle traverse n’ont même pas besoin de mots : le visage d’Asia Argento, qui s’ouvre et s’éclaire au fil du récit, parle de lui-même.
Entre autres qualités esthétiques et narratives, il faudra en particulier retenir les couleurs, la musique et la poésie du film. L’esthétique dominante repose sur un mélange de couleurs chaudes (principalement dans les vêtements tziganes de Zingarina et lors des différentes fêtes) et froides (les paysages enneigés de Transylvanie). La bande-son du film est surtout composée de musiques traditionnelles sur lesquelles Tony Gatlif a ajouté des paroles. Tantôt gaie, tantôt dramatique, la partition accompagne parfaitement les états d’âme de l’héroïne, en particulier lors d’une scène où Zingarina, pour évacuer sa tristesse, casse des assiettes tout en dansant. La poésie, enfin, passe par les regards, par les gestes qui remplacent les paroles, ainsi que par certaines images au fort pouvoir visuel, tel cet exorcisme consistant à verser du lait sur la tête de Zingarina.
Transylvania part du thème de la douleur pour ensuite parler de la renaissance, de la lumière qui arrive dans les vies. Le spectateur suit le parcours de l’héroïne et ressort du film, lui aussi, avec plus de vie et d’énergie qu’au commencement de l’aventure.