Après un thriller politique, La Révélation (2009), le réalisateur allemand Hans-Christian Schmid, habitué de la Berlinale, s’empare d’un genre narratif bien différent : la chronique de mœurs. À travers une famille comme il en existe tant, il s’attache à décrire ce qui se défait, se noue et se dénoue dans cette cellule particulière. L’ensemble souffre d’une certaine mollesse mais dégage quelques belles scènes qui disent beaucoup des rapports familiaux contemporains.
Un week-end en famille raconte une histoire de famille, a priori des plus banales et normales. Marko, jeune écrivain talentueux vivant à Berlin, revient dans les environs de Bonn le temps d’un week-end en famille, avec son jeune fils mais sans la mère de celui-ci. Le réalisateur et son scénariste, Bernd Lange, qui travaillent ensemble de longue date, partent donc d’une trame très simple pour y faire évoluer des personnages, qui, davantage que pour leur complexités, intéressent en ce qu’ils nous ressemblent. C’est en tout cas le pari du film. Nous n’avons pas affaire à un « film social ». La scène se déroule dans un environnement de la petite bourgeoisie de province, dans une famille éloignée du besoin, avec une figure paternelle forte, voire vampirisante, à la tête d’une maison d’édition florissante. L’enjeu scénaristique ne se situe donc pas du côté du sujet de société. Il vient d’ailleurs : de la mère, Gitte, atteinte d’un mal psychique non identifié dans le film . Dépression ? Névrose ? Traumatisme ? Nous savons simplement qu’elle est « psychologiquement fragile ».
Parti pris intelligent et réussi, cette fragilité, de même que les névroses et leurs manifestations éventuellement bruyantes, ne transperce pas l’écran. Elles affleurent, mais, mis à part une scène de verre brisé, une crise symptomatique (donc éclairante) du fonctionnement de cette famille, elles n’explosent pas. Schmid et Lange optent pour un ton proche d’eux, d’une situation qu’ils, ou d’autres membres de leur génération, pourraient vivre. Dans la même lignée et sur le même ton éloigné de toute manifestation hystérique, le processus scénaristique va reposer sur un coup de théâtre décliné tout aussi calmement : l’arrêt du traitement médicamenteux de la mère, qu’elle annonce en personne. Ce n’est alors que dans la tension vécue par le spectateur qu’arrive une certaine violence ; celle d’une chose monstrueuse et qui l’est d’autant plus qu’elle est mystérieuse. De fait, le spectateur se met, plus ou moins consciemment, à traquer ce qui fait la maladie chez cette sexagénaire magnifique et a priori parfaite (bonne épouse, bonne ménagère, bonne mère, belle et drôle).
Le calme de la violence
Schmid et Lange tirent plus avant dans cette direction, basant le ressort de l’action, dans la seconde partie du film, sur la fugue de la mère ; c’est la partie la plus dramatique, au sens théâtral du terme, s’offrant un détour dans l’onirisme, le fantasme, l’introspection, particulièrement autour du personnage de Marko, le fils aîné.
Toute cette histoire de famille est loin d’être inintéressante. Servie par une mise en scène très sobre et naturaliste, s’appuyant sur quelques éléments symboliques (le piano, les livres, la 4L…) évitant ainsi toute dilution trop psychologique, elle véhicule pourtant quelque chose d’un peu mou. Un objet cinématographique qu’on accueille à la fois froidement et chaleureusement, sans trop savoir précisément déterminer ce qui pèche. Peut-être des décors trop léchés, trop appliqués, trop facilement symboliques d’une façade familiale ? Peut-être par le manque de rythme ? Ou encore par l’opposition un peu rapide des deux frères ?
Il nous reste du film une impression d’entre-deux. Au fond, c’est peut-être le titre original du film – « Was bleibt » (« Ce qui reste ») – qui apporte la grille de lecture la plus pertinente. Bien plus que le titre français, le titre allemand traduit cette chose très ténue et difficile à capter, aussi bien par la caméra que par les êtres, et qui est la transformation incessante, pas à pas, des rapports entre les membres d’une même famille. Par moments, le film de Hans-Christian Schmid sait le capter.