Popularisée depuis Festen, la mode du petit jeu de massacre en famille a encore de beaux jours devant elle. Et même si Was bleibt se prête au manège des quatre vérités avec beaucoup moins de suffisance sardonique que le long-métrage danois, il en reste pour autant un film assez irritant, un modèle éprouvé du drame familial sous la forme d’un quasi-huis clos.
Marco, trentenaire berlinois séparé de sa compagne et flanqué de son jeune fils pour le week-end, part rendre visite à ses parents et son frère Jakob dans la maison familiale de province. On sent très vite poindre les tensions, entre une mère maniaco-dépressive et un frère frustré et jaloux de la réussite de Marco. L’opposition des deux frères est d’ailleurs très lourdement explicitée tout au long du film, entre regards fuyants, chamailleries et répliques fines du genre : « Prends tes responsabilités pour une fois ! ». Cette barbante cacophonie est orchestrée caméra à l’épaule, dans un souci réaliste de « coller » aux personnages, forme la plus académique s’il en est depuis que le manifeste « Dogma » est passé par là. Ah si, pardon, il y a tout de même de la musique, pour signaler les moments les plus dramatiques.
Par son intrigue cousue de fil blanc, le spectateur averti attendra avec impatience le moment où les traumas doivent refaire surface. C’est donc la mère qui prend les devants, annonçant à tous qu’elle a décidé d’arrêter son traitement, ce qui provoque les quelques remous escomptés chez ses proches, en une prise de conscience de tous les maux qui les habitent. La veine totalement psychologisante de ce type de récit tend à tout refermer, à mettre les personnages dans des cases, à standardiser les relations qu’ils entretiennent, avec des trajectoires déterminées d’avance qui agacent plus qu’elles n’intéressent.
Ce qui est dommage, car le personnage de la mère porte en elle une belle force de vie qui la pousse à vouloir composer avec la réalité. Dégoutée par l’assistanat qui fut le sien pendant des années, c’est un personnage en quête d’un nouveau rapport au monde, qui veut maintenant ne plus être tenue à l’écart des problèmes mais partie prenante, qui refuse que l’on continue à l’épargner sous prétexte de sa maladie. Dommage qu’Hans-Christian Schmid n’ait pas eu le désir de suivre ce vent de liberté réclamé par son personnage. Il préfère le donner en aboutissement de son film, ce qui est bien entendu une autre convention du drame familial.