Après le franc succès de L.O.L. (3,6 millions de spectateurs) et son escapade américaine pour le remaker, Lisa Azuelos retrouve Sophie Marceau, son actrice fétiche dans Une rencontre. Perdurant dans la veine de la comédie romantique modernisée, à travers les modèles familiaux et sociologiques qu’elle présente, la réalisatrice s’essaie à l’exercice difficile de la mise en image d’une histoire impossible, entre rendez-vous manqués et fantasmes.
Modernisation des codes
Parmi le flot de comédies romantiques qui s’abattent au fil des mois sur les écrans français, les films de Lisa Azuelos ont le mérite de redessiner un peu les contours de la famille du XXIe siècle. Fini les couples mariés et heureux. Les divorcés, les meutes d’enfants en ballottage hebdomadaire, les relations sans lendemain prennent le dessus et s’imposent comme une norme sociale alternative. Si L.O.L. s’arc-boutait totalement sur ce modèle, Une rencontre fait le pari de faire se télescoper ces deux réalités. Pierre (François Cluzet), avocat prestigieux, marié et heureux de l’être, père de deux enfants incarne le modèle familial classique. Il s’éprend d’Elsa (Sophie Marceau), écrivain à succès, divorcée, mère de trois adolescents, partageant son temps entre des déjeuners avec ses copines et une histoire sans lendemain avec Hugo de vingt ans son cadet. Le jeu de miroir entre ces deux modes de vie permet ainsi la réévaluation de leurs défauts et qualités respectifs. Il est donc loin le temps de la vie de couple parfaitement huilée des Beretton (La Boum). Si cette remise à plat des représentations se révèle plutôt honorable de la part de Azuelos, elle demeure malheureusement loin de l’hétérogénéité familiale de 2014. La bourgeoisie (blanche et hétérosexuelle) reste le terrain de prédilection de ce genre cinématographique ; une modernisation tiède en somme.
Faut-il vivre ses fantasmes ?
La difficulté de la réalisatrice réside dans le dosage à trouver entre la volonté vaguement moraliste (la non explosion du couple de Pierre) et la gestion de cette histoire d’amour naissante. En prenant le parti de gérer la passion d’Elsa et Pierre sur le mode du fantasme, Azuelos ménage la chèvre et le chou (la morale reste sauve) tout en ouvrant un champ visuel passionnant, en théorie. Dès la scène de la rencontre, le film accélère son rythme, égrenant les étapes inéluctables qui attendent Elsa et Pierre s’ils consomment leur amour. Ce mini court-métrage (adultère, confrontation, divorce, déchirement…) esquisse le dénouement du métrage. Mais les incartades fantasmées se multiplient, créant une narration parallèle, parfois ingénieuse en terme de mise en scène. Par l’entremise d’un travail minutieux sur la lumière par exemple, la réalité et le fantasme se contaminent à l’écran, invitant Marceau dans le lit conjugal de Cluzet (occupé par lui-même et sa femme !) ou faisant apparaître le visage d’Elsa dans toutes les brunes qu’il croise. Ce glissement régulier, cette interpénétration des deux « réalités » donnent à Une rencontre une saveur particulière, un traitement singulier des possibilités de la comédie romantique. Malheureusement, ces scènes peinent à exister tant la réalisatrice noie ses fulgurances dans un scénario grossièrement ficelé. Les poncifs sur l’amour sont légion comme lors des sempiternels déjeuners entre copines (les hommes vont finir par croire que toutes les femmes passent leur temps à grignoter des lunchs avec leurs amies pour déblatérer sur le prince charmant, son cheval blanc et tutti quanti). Outre des tics de réalisation faussement contemporains (l’insertion de Skype par exemple, maladroite), le film souffre terriblement d’une musique omniprésente. Sorte de clip à certains moments (la scène de voiture, un classique d’Azuelos), pas une séquence, pas une minute n’est exempte d’illustration musicale. Ce matraquage auditif se substitue aux émotions que l’on devrait ressentir, comme si la musique tentait de télécommander le ressenti des spectateurs, oubliant de faire confiance au talent des acteurs pour produire ces effets. Grâce à sa courte durée (1h21) et à ses éclairs de réalisation, Une rencontre ne produit finalement pas l’agacement tant redouté.