Premier long-métrage de Stéphan Castang, Vincent doit mourir repose sur une injonction arbitraire contenue dans son titre : d’un jour à l’autre, Vincent (Karim Leklou) devient sans raison la cible de violences perpétrées par différentes personnes de son entourage. Comme le permet souvent ce type de scénarios à concept, l’incongruité de la situation réussit aux premières séquences : l’absurde s’immisce progressivement dans le quotidien de Vincent pour y déployer une inquiétante étrangeté. Ainsi, dans la réunion de travail qui ouvre le film, une moquerie lancée machinalement par Vincent à un stagiaire prend d’étranges proportions en provoquant un silence glacial dans l’assemblée, avant que ce même stagiaire, dans la séquence suivante, frappe brutalement le crâne de Vincent avec un clavier d’ordinateur. Le postulat du film tient tant que Castang donne à voir un pur dérèglement du monde, jouant – comme c’est actuellement la tendance dans le cinéma de genre français– sur le mélange de tons horrifiques et comiques.
Mais l’absurdité s’estompe lorsque le protagoniste choisit de se replier à la campagne après avoir découvert l’existence d’une communauté virtuelle de parias qui, atteints du même mal que lui, vivent reclus. S’écartant de sa modestie originelle, le film se mue alors en survival, Vincent ne pouvant bientôt plus interagir avec personne : le simple fait de croiser le regard de son facteur lui vaut de s’engager avec lui dans un combat à mort. S’ébauche alors une vision gratuitement décliniste de la société : cette dernière serait en régression et le langage en voie d’être remplacé par la violence physique, on ne serait plus en sécurité que chez soi, etc. Le propos s’enlise encore davantage dans la deuxième partie, concentrée sur la rencontre amoureuse entre Vincent et Margaux (Vimala Pons), qui cède à la facilité d’opposer leur amour à la haine qui s’est alors emparée de la société entière : à la fin, les personnages traversent un paysage de guerre civile, fuyant l’apocalypse comme les ultimes représentants de l’humanité. En courant après son allégorie, le film néglige les articulations de son récit, qui finit par ne plus reposer que sur une suite de passages en force ; il paraît surtout se contenter de brasser artificiellement de bien vagues peurs contemporaines.