Dans le vaste phénomène de normalisation de la figure du mort-vivant auquel on assiste depuis quelques années, on ne peut pas vraiment dire que le cap de la « comédie romantique avec des zombies » soit de la plus grande fraîcheur : c’était mot pour mot l’argument de vente de Shaun of the Dead, un film de bientôt dix ans maintenant. En attendant, les adaptations et autres bifurcations du genre vont bon train. Aux États-Unis, The Walking Dead continue d’assurer une rente bien confortable à AMC. Pendant ce temps, la série BBC In the Flesh vient disputer un peu le marché, sur le terrain du thriller psychologique post-apocalyptique. Nous avons nos énigmatiques Revenants. Warm Bodies voudrait nous faire croire à son originalité, voire à son irrévérence. Il n’en est rien, mais mieux vaut jouer le jeu : après tout, quand bien même il ne serait qu’un cran de plus sur une relecture dans l’air du temps, ça ne le rend pas pour autant antipathique.
Kit pop
En effet, voilà bien tout ce dont le film de Jonathan Levine peut se vanter : il est sympathique. Difficile d’espérer mieux vu son caractère complètement jetable : agenouillé devant quelques émanations de la culture pop de son époque, Warm Bodies fera long feu. L’action cousue de fil blanc sert à ménager les multiples séquences clippées sur des tubes récents : Bon Iver et M83 (entre autres) méritent une bonne place au générique, tant Jonathan Levine ne sait insuffler aucune émotion à son film sans faire appel aux effets imparables de sa bande originale. Cinq minutes d’action, un morceau : c’est le rythme systématique qui fait de Warm Bodies un obséquieux pot-pourri de 2012 en musique. Sympathique pourquoi, alors ? Parce que bon an mal an, le film nous tire quelques sourires, bienveillants voire conquis, parfois certes malgré lui (des maladresses puériles, comme le monologue intérieur du héros, et quelques effets plutôt vulgaires – vraiment, Jonathan Levine est un piètre metteur en scène), mais souvent grâce au charme douillet de la comédie romantique, plaisir coupable s’il en est – on se surprend à adhérer benoîtement aux séquences de badinages entre la belle et la bête. Si l’on a beau savoir parfaitement où on va, le voyage n’en est pas désagréable pour autant.
Bien sûr, c’est un coup pour rien : on pourra par exemple s’amuser de la flagrante mollesse qui a poussé les scénaristes (ou plutôt l’auteur du roman dont est adapté le scénario, ce par Levine lui-même d’ailleurs) à imaginer que les zombies auraient leur propres zombies, des squelettes noirs et agiles appelés Bonies, eux bien vilains et irrécupérables – comme si le film n’était pas vraiment capable d’assumer sa réhabilitation déjà doucereuse du mort-vivant, et devait in fine substituer un croque-mitaine à un autre. Bien sûr, Jonathan Levine demeure un artisan dont l’arrivisme en dispute au manque d’idées, et dont la sédentarisation à Hollywood reste un épais mystère tant son talent frôle le zéro. De toute façon, son film lui revient assez peu ; il appartient bien plus à son époque, et s’en repaît gloutonnement : musique à la mode, physiques de jeunes premiers interchangeables (Dave Franco, frère cadet de James, Teresa Palmer…), thématiques en vogue, placements produit, etc. Si la sauce prend, c’est certainement du fait des humbles prétentions de Warm Bodies, qui semble assumer sans complexe son caractère tout à fait artificiel, ses ressorts comiques téléphonés mais pas périmés, sa fraîcheur plutôt ludique. Pourquoi bouder donc ? Une friandise, ça ne se refuse pas.