Décidément, Urban Distribution est bien inspirée : après avoir osé l’aventure avec la sortie de Saya Zamuraï sur grand écran, les voilà qui accompagnent l’édition DVD dudit film de celles de Big Man Japan et Symbol, les deux autres films, antérieurs, du réalisateur Hitoshi Matsumoto. Voici donc l’occasion de découvrir, clés en main, l’univers d’un cinéaste burlesque singulier et riche – une démarche éditoriale remarquablement pertinente.
Précédant donc le samouraï déchu et pathétique de Saya Zamuraï (le seul des trois films où Matsumoto lui-même n’interprète pas le personnage principal), les héros de Big Man Japan et de Symbol forment avec lui une congrégation de personnages originaux. Le premier est le dernier héritier d’une caste particulière de la société japonaise, ceux qui, sous l’action de l’électricité, peuvent adopter une taille colossale, et ainsi combattre les créatures géantes venues d’on ne sait où, mais qui ont une tendance affirmée à déranger le quotidien nippon. Problème : le héros est en butte à un monde de plus en plus incompréhensif, à une vie de famille en lambeau, sans parler des relations tendues avec son agent – en fait de vérisme super-héroïque, Christopher Nolan peut rentrer se coucher ! Symbol, quant à lui, voit son héros enfermé dans une pièce à la blancheur immaculée, muni d’un pyjama ravissant (et quelque peu chamarré), et d’une série d’interrupteurs en forme de pénis rieurs (si) en guise de rouages pour trouver la sortie.
Au centre des trois films, se trouve le même humour basé sur la répétition absurde, une forme de non-sens très britannique au flegme redoutable. En revanche, on ne peut qu’être admiratif de l’inventivité folle qui permet à Hitoshi Matsumoto de renouveler constamment le cadre dans lequel il s’exprime : on passe du film en costumes (Saya Zamuraï) au reportage (Big Man Japan) en passant par le cinéma proprement expérimental (Symbol). Si ce dernier est certainement le plus fascinant des trois films, il demeure difficile de préférer l’un d’entre eux aux autres : témoignage, encore une fois, de la richesse et de la complexité de l’univers d’Hitoshi Matsumoto. L’identité de l’auteur transparaît dans chacun des trois films, on a bien conscience d’être dans une œuvre unique, singulière, d’une vision thématique bien définie – et dont la scénarisation et la mise en scène diffèrent à chaque fois, drastiquement.
Les trois films sont assortis d’une série de bonus attendus : les making-of, scènes coupées et bandes-annonces traditionnels. Le DVD de Saya Zamuraï bénéficie, en plus, des enregistrements des présentations du film en public et d’une interview du réalisateur : de quoi le rapprocher toujours plus de son auditoire, mais aussi de quoi comprendre les mécanismes de la concrétisation de son univers si singulier à l’écran, des effets spéciaux comme des choix narratifs.
Le coffret Matsumoto apparaît donc comme une tentative sincère de faire découvrir l’univers du réalisateur, en offrant une multitude de clés pour l’aborder et le comprendre : une heureuse surprise autant qu’une prise de risque réelle, l’univers d’Hitoshi Matsumoto n’étant pas d’un abord des plus faciles. Saluons donc l’audace et le travail d’Urban Distribution qui pourraient parer les cadeaux de fin d’année des cinéphiles d’un parfum d’inédit bienvenu.