En 1970, toujours toqué de l’Universal, Paul Naschy s’attèle à sa pièce montée cinématographique : Dracula contre Frankenstein (qui présente la particularité de n’avoir à l’affiche ni Dracula, ni Frankenstein, ni même de rencontre musclée entre leurs ersatz respectifs. Merci les traducteurs.). Obéissant à la loi qui gouverne le cinéma de genre depuis l’invention du chiffre « 2 », Naschy fait, contre manque d’inspiration, œuvre de compilateur. Mélangeant House of Frankenstein (1944, Erle C. Kenton) et Invasion planète X (Ishirô Honda, 1965), il fait s’affronter la créature de F… Faranksalan, le vampire Janos de Mialhoff, Waldemar Daninsky son loup-garou fétiche, la momie et les extraterrestres. Ouf ! On aurait pu avoir le golem, absent pour cause de budget, on aurait aussi pu avoir Godzilla et/ou Santo, ç’aurait été rigolo. Mais non – Naschy reste mesuré.
Mesuré, comme son script qui, avant de se focaliser – surprise ! – sur Waldemar Daninsky, égrène les séquences-à-monstres avec une constance patiente, parvenant contre toute attente à préserver une certaine intégrité narrative – quelque chose que les films-catalogues façon Ligue des gentlemen extraordinaires peineront toujours à conserver. Certains personnages sont évidemment mieux réussis que d’autres – la créature de Frankenstein/Faranksalan, notamment, se voit réduite à une simple poupée, loin des souffrances existentielles héritées de Mary Shelley. Quant à la momie, elle doit beaucoup à son interprète Gene Reyes, qui lui donne une étrangeté bienvenue – tandis que l’utilité de son rôle s’épuise vite.
L’amour, toujours l’amour
Reste la part du lion : l’idéal romantique, presque pathétique, incarné par le docteur Maleva Kerstein (Karin Dor), séduite, malgré son impassibilité extraterrestre, par le Dracula local, et surtout le couple Ilsa/Waldemar Daninsky (Patty Shepard / Paul Naschy). De tous les Daninsky édités jusque-là par Artus, Dracula contre Frankenstein est celui où, malgré un rôle réduit – savoir mettre son ego d’acteur au service de sa passion pour les monstres, voilà qui est beau, monsieur Naschy –, le personnage iconique fait le plus montre d’humanité, de passion – tout ce qui est toujours plus menacé par sa part lupine…
Miroir continental – ici, le film est germano-espagnol, avec un casting venu de tous les coins du globe – de la Hammer, l’univers supporté par Paul Naschy s’éloigne de toute forme de sexualisation, lui préférant un sentimentalisme que la bonne volonté manifeste des exécutants rend pardonnable. S’y ajoute, rétrospectivement, l’opportunité mélancolique de voir ici Michael Rennie dans son dernier rôle. Prisonnier des rôles d’extraterrestres après sa composition d’émissaire d’outre-espace dans Le Jour où la Terre s’arrêta, il termine sa carrière avec un rôle d’envahisseur-en-chef, dont la contamination par le virus de l’amour (et de la jalousie !) cause finalement le trépas. Une sortie de scène certes bigarrée et chaotique, mais qui n’est ni dénuée de solennité, ni de dignité.